Tout y était pour faire un grand film. Un réalisateur qui a fait ses preuves (Wolfgang Petersen, Das Boot, l'Histoire sans fin, Dans la ligne de mire), une histoire en béton tirée des poèmes d'Homère, les moyens techniques de notre époque pour retranscrire de grandes batailles, mais au final, le résultat nous laisse un arrière goût de je ne sais quoi, le tout teinté de déception.
Commençons par le casting. Le héros du film s'appelle Achille. Il est incarné par Brad Pitt et autant dire que lorsque l'on se paye une super star, il faut l'amortir. Résultat, il est omni-présent tout le film. Trop présent même. Et si l'on se refère à Homère, son interprétation du personnage est des plus étrange. Achille était un demi-dieu, fils de Thétis et de Pélée, il fût le roi des myrmidons. Sa principale caractéristique était la vanité. Brad Pitt joue son personnage bien en dessous du niveau d'antipathie nécessaire pour incarner ce demi-dieu. Par moment on se prend presque à l'aimer son Achille. Une relecture de l'Illiade simpose, Achille n'aimait qu'Achille ! Hector, fils aîné de Priam et défenseur de Troie est incarné par Eric Bana. Le choix est excellent car il est réellement formidable dans le rôle de ce héros troyen. On retrouve avec plaisir Peter O'Toole qui est incroyablement bon dans le rôle de Priam, et donne une dimension impressionnante à ce qui était à la base supposé être un second rôle. Rose Byrne incarne Briséis. Selon l'Illiade, Briséis (ou Hippodamie) était la fille du prêtre Brisès, de Lyrnessos, près de Troie. Achille la captura lors du sac de la ville, dans les années qui précédèrent le siège de Troie. Il tua toute sa famille, ainsi que son mari Mynés, roi de Lyrnessos, et en fit sa favorite. Dans le film elle est vierge et tombe amoureuse d'Achille. Bon admettons. Sean Bean est Ulysse, il y tient son rôle de stratège et de roublard seulement on a l'impression que son importance a été grandement diminuée dans ce film par rapport au livre. Agamemnon est joué par Brian Cox, l'image antipathique qu'il nous transmet semble cohérente par rapport à l'histoire d'Homère. Enfin le couple par qui tout a commencé, Orlando Bloom dans le rôle de Pâris et Diane Kruger dans celui d'Hélène. J'apprécie ces deux acteurs mais il faut bien avouer qu'à l'inverse du couple flamboyant et dandy du poème, celui là fait tout timide, mignon, presque adolescent.
Si il y a bien quelque chose d'agaçant, ce sont les libertés prises avec les histoires tirées de grands classiques, spécialement lorsqu'elles sont abyssales comme dans ce film. Tout d'abord, j'ai conscience que votre morale puritaine et vomitive d'américain vous empêche d'aborder certains sujets dans vos films messieurs les producteurs, mais Patrocle fût d'abord l'ami d'Achille avant de devenir son amant. En aucun cas il ne fût un quelconque cousin du héros grec. Ensuite, Ménélas ne fût jamais tué par Hector lors d'un duel avec Pâris. En effet, au bout de dix ans de guerre, on essaye de régler le conflit par un combat singulier entre Pâris et Ménélas, combat regardé avec émotion par Hélène du haut des remparts. Au dernier moment, Aphrodite subtilise Pâris dans un nuage et le met à l'abri. Encore eusse-t-il fallut que l'on en vu un dieu. Achille mourrut après avoir tué Hector, d'une flèche tirée par Pâris aidé par Apollon et en aucun cas Achille ne monta dans le cheval et fût tué dans la ville de Troie. Agamemnon ne mourrut pas lors de la prise de la ville. Toutes ces libertés vis à vis de l'oeuvre originelle gâche le film car lorsque cela devient trop gros (Achille dans le cheval), la déception s'installe. De plus, la guerre dura dix longues années (l'oeuvre d'Homère commence d'ailleurs lors de cette dernière année). Dans le film, j'ai eu l'impression d'une guerre de cinq jours. Ni plus ni moins.
Autre point, où sont passés les dieux ? Si il y a bien une chose à ne pas manquer, ce sont eux eu égard au fait que durant la guerre de Troie, une cission s'opéra entre eux et beaucoup utilisèrent les protagistes comme de simples pions à leur propre fin. Certains personnages manquent, soit par la faiblesse de leur rôle (Ajax qui meurt dès la première grande bataille, une autre liberté prise par le réalisateur), soit par leur absence (mais bon sang ou est Andromaque, fille de Priam, qui prédit la fin de Troie à l'arrivée d'Hélène et voulut que l'on brûle le cheval). Cette accumulation d'erreurs gâche beaucoup le plaisir de ce film, car malgré tout il y avait des choses biens, beaucoup même.
Les costumes en premier lieu sont vraiment originaux, et à l'inverse des péplums d'il y a vingt ans ou les grecs ressemblaient plus à des romains avec leurs casques de centurions, dans ce film les armures, les armes sont véritablement plus cohérentes par rapport à l'époque. Les batailles sont prenantes (celle du débarquement par exemple est un vrai régal) mais petit bémol, des batailles au glaive, à la lance et à l'arc où pas une goutte de sang ne coule paraît surprenant. Les décors sont parfaits, la ville de Troie est très bien rendue, et visiblement Wolfgang Petersen a préféré la maquette à l'image numérique, rendant l'ensemble très crédible.
Au final, l'ensemble est surprenant, d'un côté on est prit par l'action, la grandeur du film, de l'autre on est terriblement déçu par l'histoire avec les plus et les moins que le réalisateur s'est cru bon d'introduire ou de retirer de l'Illiade. Et peut être que Troie n'est rien d'autre que cela : un blockbuster de plus dans lequel l'histoire est reléguée au second plan. Dommage car l'Illiade niveau scénario, c'est du solide.....
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