Le spectateur qui n'a jamais lu la bande dessinée dont est tiré ce film peut légitimement, à la suite des vingt premières minutes, appréhender qu'il devra s'en tenir à une Créature du marais bis (voir à un sous Toxic Avenger). Mais c'est mésestimer Sam Raimi, ici scénariste et réalisateur, que de lui supputer le recours à une telle platitude artistique. Bien vite, on se rend compte que son film n'est autre qu'une réfection sur le thème du Fantôme de l'opéra, celui que la laideur condamne à vivre dans l'ombre, jointe au désir de vengeance familier des longs métrages sus-mentionnés. Ainsi, tout au long du film, la personnalité dichotomique du héros (et non pas schizophrène, celui-ci n'étant jamais coupé de la réalité) est explorée et ce, notamment via des flashs introspectifs que Raimi réalise à merveille. Bref, une belle parabole sur l'identité sociale: Nous vivons tous derrière un masque, et quand le masque change, l'individu change aussi.
Mais, si contenu il y a, il n'est pas dilapider façon cinéma cuistro-intellectuel morbide comme Canal + aime à en produire; dans un film de Raimi, l'humour n'est jamais bien loin (de la ringuardise des gangsters typés Chicago au « fusil mitrailleur-jambe de bois »).
Au niveau de la réalisation, rien n'est à reprocher tant les images, les maquillages, la photo ou les scènes d'actions (la ballade en hélicoptère est très spectaculaire) sont d'une qualité dont les fabricants de blockbusters d'aujourd'hui feraient bien de s'inspirer. D'ailleurs, au visionnage de ce film, on comprend pourquoi les requins d'Hollywood ont laissés à ce type le soin de mettre en œuvre le très risqué Spiderman. A ce propos, nous pouvons rapprocher ces deux super-héros sur certains aspects; notamment quant à l'isolement socio-affectif qu'ils s'infligent.
Si, bien entendu, Darkman n'est pas le film du siècle, il n'en demeure pas moins une série B à (re)découvrir ainsi que l'une des rares adaptations de BD réussies.
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