CRITIQUE DVD

Los Olvidados fait partie de ce cinéma dont le propos, hier préoccupant, apparaît aujourd'hui comme une minoration de la triste banalité sociale. Quand la réalité dépasse la fiction ou plutôt, s'agissant de Buñuel, quand le réalisme surclasse le surréalisme.
Car comment être ébranlé par le dépouillement d'un aveugle par une bande de sauvageons à l'heure où ceux-ci brûlent vif les homosexuels et passent à tabac les paraplégiques? Comment être ulcéré par le fait qu'une mère dénonce son fils de treize ans aux perdreaux lorsque d'autres abandonnent leur nourrisson dans des poubelles? Comment s'offusquer de bastons au couteau entre adolescents après l'avènement du neuf millimètre dans les cours d'école? Comment être scandalisé par les combats de coqs quand la mode est aux pitbulls?
Navrant de constater que les sévices de cette société mexicaine des années cinquante présentés par Buñuel se révèlent bien moins fétides et atroces que ceux de la page « faits divers » du plus banal hebdomadaire de notre gracieux XXIé siècle. Même la frontière inter-castes exposée par l'auteur semble plus perméable que celles d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs dans son refus de sombrer dans le misérabilisme ou encore le manichéisme, pourtant si commodes lorsque l'on aborde ce thème douloureux de la misère, que repose le principal mérite de l'auteur. Ici, les salauds ne sont pas relégués à une seule classe sociale (le directeur humaniste du pensionnat) tandis que les victimes peuvent à leur tour s'avérer bourreau sans qu'il ne soit question de revanche (l'aveugle).
En somme, bien que le signal d'alarme déclenché il y a 54 ans par Buñuel peut aujourd'hui nous apparaître suranné, Los Olvidados -sorti en France sous le titre Pitié pour eux!- reste une œuvre forte et universellement prophétique.

le transfert de cette édition s'avère très honnête. Et même si la restauration peut laisser entrevoir, ici ou là, quelques défauts, rien ne peut véritablement faire obstacle au bon visionnement du film

Présenté dans sa version mono originale sous-titrée en français ou en anglais

De plus, cette édition propose de très intéressants bonus dont le court métrage de Buñuel sur un village reculé espagnol, Las Hurdes (1922), à la bande son, néanmoins, quasi inaudible mais, surtout, une fin alternative du film sous forme de happy end, laquelle illustre l'influence nocive que peuvent avoir certains producteurs sur la création et atteste que Buñuel ne s'est pas prostitué pour les rapaces.

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