A l’heure où a commencé, le samedi 19 septembre, sur Canal +, la diffusion de la saison 2 de « 24 heures chrono », la sortie en DVD de la Saison 1 est on ne peut plus opportune.
Rappelons le point de départ du récit : un sénateur candidat à l’élection présidentielle est sous la menace d’un attentat terroriste, alors même que son environnement familial est en crise, qu’il est sous le coup d’un chantage et que les services de sécurité ne s’avèrent pas fiables car infiltrés par une « taupe » à la solde des terroristes.
Cette série télévisée, particulièrement originale et inspirée, bouleverse tout ce qu’on a vu dans le genre, que ce soit en raison de son concept inédit, de ses personnages originaux, de ses thèmes décapants et de sa réalisation percutante dirigée par Stephen Hopkins (l’auteur de « Predator 2 »).
Le concept, profondément original, consiste à développer le récit en temps réel sur 24 heures (en fait, les 24 épisodes de 43’ s’étalent sur 15h32 très précisément !). Le scénario – qui propose quatre histoires parallèles mais interférentes – met en scène Jack Bauer (Kiefer Sutherland), sa fille, Kim, et sa femme ; le sénateur-candidat David Palmer et sa famille ; le service anti-terroriste de Los Angeles (La CAT ou Centrale Anti Terroristes) auquel appartient Jack Bauer ; le groupe des terroristes, enfin, qui ourdit le complot.
Les personnages ont un comportement souvent inattendu et ambigu. Le candidat à la Présidence des Etats-Unis est d’origine noire, ce qui est plutôt inhabituel. Jack Bauer, à la fois fort mais fragilisé par une liaison extra conjugale, l’infidélité de sa femme et la rébellion de sa fille, Kim, qui se refuse à l’écouter, subit plus les événements qu’il ne les contrôle ; d’autant plus qu’il est victime de manipulations diverses et se retrouve constamment partagé entre les impératifs de sa mission et les liens affectifs qui le rattachent à une famille qu’il souhaite recomposer.
Plus original encore, le thème central de la série donne une vision de la société aux Etats-Unis bien peu conforme à l’image traditionnelle qu’en véhicule en général le cinéma et que l’expression « crise généralisée » définirait le plus justement.
Une crise, comme on l’a vu, qui affecte, en premier lieu, la Famille – cette valeur américaine par excellence. Elle est représentée par des parents qui se trompent mutuellement et sont, désespérément, à la recherche d’une harmonie - à tout jamais ? – disparue (famille Bauer) ; par une épouse manipulatrice et machiavélique qui complote contre son propre mari (famille Palmer) ; par des enfants indociles et révoltés, voire marginalisés (familles Bauer et Palmer).
De même, les services de sécurité (la fameuse CAT), noyautés, doivent lutter sur un double front : en interne, pour démasquer le traître qui anéantit leurs efforts et, en externe, pour protéger la vie même du candidat, de plus en plus sérieusement menacée.
Plus grave encore, c’est le cœur même du pouvoir politique au plus haut niveau qui semble gangrené par le mensonge, la dissimulation et l’intérêt égoïste le plus sordide.
Quant à la réalisation, elle transcende cet ensemble (récit, personnages et thèmes) par l’utilisation récurrente, pour l’essentiel, de quatre procédés majeurs. D’abord, l’incrustation à l’écran de l’heure qui défile en temps réel et produit un effet d’urgence et de tension sur le spectateur. Ensuite, la technique de la caméra portée à l’épaule qui accélère le récit et, surtout, donne au spectateur sur le qui-vive l’impression d’être au cœur même d’une action à laquelle elle insuffle vie et intensité. Par ailleurs, la division de l’écran en plusieurs fenêtres permet de présenter, au même moment, des événements simultanés. En l’occurrence, le réalisateur utilise fréquemment quatre parties dans la mesure où ce sont bien quatre histoires parallèles qui se déroulent et interfèrent. Cet écran partagé s’affiche, comme transition, à chaque passage d’une histoire à l’autre par un effet de zoom sur l’une ou l’autre des fenêtres. Enfin, il faut souligner le rôle essentiel du portable et de l’ordinateur conçus comme des éléments indispensables qui assurent le lien entre les différents personnages des quatre histoires et permettent la fluidité du récit, les deux interlocuteurs s’affichant alors à l’écran divisé en deux.
Il va de soi que cette série n’est pas sans défaut : certains événements donnent l’impression d’être trop artificiellement développés (les mésaventures qui surviennent à Kim, par exemple) ; les réactions des personnages sont parfois excessives ; certains enchaînements manquent de cohérence. L’écriture du scénario à mesure que le tournage se fait en est sans doute responsable.
Mais cette Saison 1, en définitive réussie, a tout pour devenir une série culte. D’autant plus que la Saison 2 démarre sur les chapeaux de roue en proposant un point de départ oppressant (Los Angeles est sous la menace d’un attentat nucléaire) selon un rythme encore plus efficace que précédemment. Jack Bauer, métamorphosé par les événements douloureux qu’il a vécus et par le rejet persistant de sa fille, se révèle particulièrement affûté, pugnace et prêt à tout (ce qu’il fait après avoir accepté de réintégrer le CTU est proprement inimaginable de barbarie). Son personnage semble d’ailleurs parti pour prendre une dimension exceptionnelle, digne des héros du cinéma. De même, le Président David Palmer acquiert une indéniable aura. Le début de cette Saison 2, après 4 épisodes (de 8 heures à 12 heures), se révèle très prometteuse en ce qu’elle place, d’emblée, la barre très haut et apparaît même supérieure à la Saison 1 !
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