Enfin un Robinson crédible. Cet homme pressé, laissant peu de place dans son agenda, même pour la femme qu'il aime et qui l'aime, va découvrir une forme nouvelle pour lui, de la relativité du temps.
Une fois passée l'émotion d'un accident d'avion, plus vrai que nature, tout bascule, et pendant l'essentiel du film, on partagera la solitude "maladroite" d'un civilisé face à la vie, simple et rude, loin des ascenseurs, de l'eau courante, de l'électricité et des téléphones portables. Pendant tout le temps qu'il sera sur l'île, la musique disparaîtra du film, pour renaître juste au moment où, enfin, il aura réussi à passer la barre de vagues qui cerne sa prison dorée. Le spectateur partagera complètement cette solitude à deux, celles du naufragé et du voyeur en fauteuil.
L'épave de l'avion lui enverra quelques colis utiles, quoique bizarres. Que faire de patins à glace sur une île où le seul sommet doit atteindre 40 mètres et où les patinoires sont rares ? Rapidement, le héros va comprendre l'ampleur de sa détresse. Il va grimper tout en haut de son territoire, et d'une vision circulaire accompagnée par la caméra, va mesurer l'ampleur du désastre. Il est réellement seul sur une île inconnue. Et là, Zemeckis a créé un contraste, entre le voyeur émerveillé que nous représentons, en observant les merveilles de ce paysage enchanteur, enfoncé dans du cuir avec un verre frais à la main, et la détresse du héros-zéro, venant de découvrir qu'il est perdu, sans doute dans tous les sens du terme.
Pourtant il s'organisera. Un de ses premiers triomphes sera de réussir très péniblement à ouvrir une noix de coco (essayez pour voir). Mais il ne fabriquera pas de cabane en rondin, aussi solide qu'un chalet suisse. Non, son abri restera de fortune, car il est sans doute aussi doué que vous et moi manuellement, et n'a pas eu le temps d'aller au supermarché du bricolage du coin. Il est un quidam, choisit au hasard par le destin, et c'est par la force de son caractère qu'il essaiera de s'en sortir. Mais à quel prix ?
Lorsqu'il aura trouvé la route du retour, les retrouvailles avec sa femme remariée resteront toutes en pudeur, jamais mièvres. Mais il comprendra que la page est tournée, et l'on devine qu'il ne se laissera pas abattre.
Le tandem déjà rôdé Hanks-Zemeckis s'est beaucoup investi dans ce film superbe à tout point de vue, empli d'humanité, de fragilité et d'espoir. Tous les écueils (!) du Robinson invincible et superman ont été évités. Un grand moment.
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