En 1963, deux prisonniers s’évadent et prennent en otage, dans leur fuite, un jeune garçon, Phillip. Un inspecteur, Red Garnett (Clint Eastwood), est chargé de retrouver les prisonniers mais il doit tenir compte d’une psychologue en affaires criminelles, Sally gerber (Laura Dern), et d’un tireur d’élite du FBI, cependant que le gouverneur se mêle de son enquête pour des raisons politiques (il est vrai que le Président Kennedy doit de rendre à Dallas le lendemain).
Le film s’ouvre – et s’achève sur le plan paisible du corps d’un homme allongé dans l’herbe d’un frais vallon sous un soleil lumineux (en une sorte d’illustration visuelle du poème de Rimbaud « Le Dormeur du val »).
L’un des deux prisonniers se retrouve très vite seul en compagnie de l’enfant et la situation des deux personnages, d’emblée, est d’un grand intérêt. C’est qu’en effet l’évadé, comme l’enfant, ont un point commun : élevés par leur mère, ils ont peu connu leur père qui les a délaissés. Mais, à l’inverse, ces mères sont bien différentes : celle de Butch était une prostituée tandis que celle de Phillip est témoin de Jéhovah. On comprend, d’autre part, que l’enfance de Butch, difficile, fit de lui un homme avant l’âge et écourta d’autant son enfance, alors que Phillip vit dans un univers protégé, brimé par des interdits religieux.
Aussi Butch va-t-il pousser Phillip à s’émanciper tout en le protégeant, comme le ferait un vrai père. De son côté, Phillip contraint son ravisseur à retrouver son enfance et une innocence qu’il avait perdues ; bref, à s’humaniser.
Autrement dit, la cavale va devenir, pour tous les deux, une sorte de parenthèse en forme de vacances. Le film est d’ailleurs attachant en ce qu’il offre un savoureux mélange de tons : tour à tour dramatique, humoristique et émouvant, il révèle tout le talent du réalisateur Clint Eastwood. Et cette rencontre inattendue entre un délinquant en cavale dont l’enfance fut saccagée mais porteur de l’espoir fou de retrouver son père (dont il conserve une lettre qui l’invite à le rejoindre en Alaska) et un jeune garçon en mal de père, accouche d’un film beau, c’est-à-dire qui exprime avec noblesse, pudeur et émotion tout ce qui habite le cœur des hommes.
L’allusion initiale à la visite de Kennedy à Dallas – et la fin du « rêve américain » que son assassinat, pour beaucoup, sanctionna – est sans doute à mettre en correspondance avec la fin du film qui marque, elle aussi, la fin de l’innocence et le gaspillage que représente toute vie abrégée.
On peut signaler, enfin, l'intérêt de la structure du film et cette double construction en contraste : d'un côté, l'univers des apparences sociales (regard ironique porté sur le fonctionnement, cahin-caha, de la société et de ses représentants légaux proche de la caricature : Red, Sally, le tireur du FBI, le Gouverneur) ; de l'autre, la vérité intérieure des êtres authentiques (Butch et Phillip). Cette structure exprime même l'ironie du propos et prépare ainsi la fin révoltante et injuste précisément lorsque ces deux mondes antinomiques finissent par se rencontrer.
La présence de ces deux intrigues parallèles favorise aussi un mélange des tons bien venu : de l'humour noir satirique dans la peinture des uns à l'émotion vraie dans la présentation empathique des autres.
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