Futuriste, poétique et énigmatique, ce film réalisé en 1968 par Stanley Kubrick n’en finit pas de nous fasciner. D’une rare beauté formelle, ce somptueux film d’anticipation retrace l’aventure de l’humanité et développe une passionnante réflexion métaphysique.
Composé sous forme de triptyque (trois parties intitulées : « l’Aube de l’humanité », « Mission Jupiter » et « Au-delà de l’infini »), il établit des liens entre passé et présent, présent et avenir et, en une complexe méditation sur le Temps et l’Espace, reprend les trois questions fondamentales (déjà présentes sur les panneaux de Gauguin) que se pose tout être humain un jour ou l’autre : d’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?
Kubrick ne propose pas de réponse mais illustre chacune des parties d’images et de couleurs, de silences et de musiques, qui créent un univers imaginaire propre à une rêverie féconde en réflexions.
Qu’il s’agisse des premiers hominidés découvrant l’outil, de l’extraordinaire ellipse visuelle transformant le bâton lancé dans les airs en vaisseau spatial, du duel entre Bowman, l’astronaute, et Hall, l’ordinateur, et des métamorphoses finales du même Bowman, tous nos sens sont sollicités pour donner une interprétation à ce qui se déroule sur l’écran et qui multiplie les questions plutôt que d’apporter des réponses.
Que signifie ce monolithe géant apparu dès l’aube de l’humanité en même temps que l’intelligence et présent dans chaque épisode suivant ? Une étape sur la voie du progrès, une « présence divine » ou une représentation de l’intelligence ?
Que signifie ce fœtus qui succède au vieillissement et à la mort de Bowman ? Est-ce l’annonce d’une future dés-incarnation de l’esprit débarrassé de toute enveloppe physico-animale et la naissance d’un homme futur devenu pur esprit ? N’est-ce pas plutôt – ou aussi – le retour de cet Ulysse des temps futurs vers les nouveaux rivages d’une autre humanité ? Ou encore, le retour au début du film, c’est-à-dire la fin du temps linéaire et la représentation d’un temps circulaire, sorte de boucle dont la fin marque aussi le début ? Ce foetus ne peut-il signifier, enfin, la marche de l’espèce humaine vers l’immortalité ?
Ce film pose bien d’autres questions toutes aussi stimulantes qui nous poussent à voir et à revoir ce film magistral et intelligent (plutôt qu’intellectuel) né de la fusion entre anticipation et merveilleux.
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