Avec "Kika" réalisé en 1993 , Pedro Almodovar s'en prend au pouvoir de plus en plus important pris par la trash-télé et les reality-shows se livrant à une surenchère de mauvais goût et de voyeurisme , jusqu'à brouiller les frontières entre spectacle et vie privée. On a pourtant beau être habitué au style bien personnel du réalisateur , à la fois baroque et exubérant qui mélange satire sociale virulente et humour au premier degré , cette fois-ci la recette ne fonctionne pas du tout. Aux outrances visuelles de la télé-poubelle , le réalisateur répond par un scénario tout aussi outrancier et grand-guignol , une sorte de fourre-tout peuplé de personnages plus tordus, frustrés et névrosés les uns que les autres , évoluant dans des décors et des couleurs aux tons volontairement agressifs.
Si l'on peut trouver une certaine cohérence à l'histoire et reconnaître à Pedro Almodovar une mise en scène qui sait provoquer et choquer le spectateur grâce à des séquences d'un comique ravageur , "Kika" rate le plus souvent sa cible. A trop vouloir dénoncer la dictature de l'image, le film finit par s'enfoncer dans ses propres excès et devient très vite lassant avec son univers sans émotion et ses personnages qui n'attirent aucune sympathie. Du coup, on n'en retient au final qu'un roman-photo délirant marqué par quelques audaces visuelles comme les décors et les tenues surréalistes et exubérantes de Victoria Abril dessinées par Jean-Paul Gaultier. Bref, un film plus que décevant à réserver exclusivement aux aficionados du cinéma d'Almodovar...
|