Avant "Innocence" Lucile Hadzihalilovic réalisait en 1996 " La bouche de Jean-Pierre", moyen métrage de 52 mn. Dans la lumière blafarde des lampadaires d'une cité miteuse, la réalisatrice plante son décor en quelques plans fixes. C'est là, derrière les murs d'une HLM de banlieue, que Mimi assiste à la tentative de suicide de sa mère abandonnée par son compagnon. La fillette est recueilie par sa tante Solange pendant l'hospitalisation de sa mère, est parquée dans l'entrée d'un appartement exigu et finira elle aussi par essayer de mettre fin à ses jours, après avoir échappé aux avances de Jean-Pierre, l'amant de Solange. Solange mène une vie étriquée et veut croire au grand amour dans les bras de son amant, incarnation parfaite du beauf. De la voisine qui fait signer une pétition pour expulser les Arabes de l'immeuble à l'indignation de Solange qui réclame le rétablissement de la peine de mort, le tableau est saisissant. Au-delà de cet arrière plan sociologique, le film donne à voir un conte cruel sur une petite fille égarée dans le monde des adultes. Tel le Petit Chaperon rouge dont elle aime lire les aventures, Mimi rencontre sur sa route le loup qui veut la croquer. A l'instar du Petit Poucet, la fillette dispose de cailloux pour retrouver son chemin. En l'occurrence ces cailloux sont des pilules multicolores qu'elle avale comme sa mère avant elle afin de rejoindre celle-ci à l'hôpital car la tentative de suicide de Mimi n'en est pas vraiment une. La direction d'acteurs est excellente. Le film plaira à tous ceux qui ont aimé "Carne" et "Seul contre tous" de Gaspar Noé, compagnon de la réalisatrice. Ces trois films présentent bien des similitudes.
|