Dans l'exercice ô combien périlleux du remake, bien des réalisateurs se sont cassés les dents. Proposer une nouvelle version d'un classique risque d'être très mal perçu par le public surtout si le remake s'avère être une simple copie de l'original. Heureusement, il arrive parfois que des réalisateurs se contente de prendre la base d'un film existant et d'en proposer une relecture totale. C'est ici le cas de David Cronenberg. Le réalisateur canadien mis en scène un remake de LA MOUCHE NOIRE, film d'horreur grand guignolesque des années 50 mais il prit soin d'utiliser uniquement le point de départ de l'original. A savoir l'histoire d'un scientifique qui cherche à mettre au point un système de téléportation qui permettrait à chacun de se déplacer d'un point à l'autre.
L'histoire est celle de Seth Brundle, véritable génie qui semble approcher du but. Un soir, l'alcool aidant un peu, il devient un peu plus bavard que d'habitude et propose à une journaliste de le suivre chez lui afin de découvrir son prototype. Après une démonstration qui la laisse sans voix, Veronica, la journaliste décide de suivre Brundle dans ses travaux jusqu'à ce que sa machine soit parfaitement au point. Mais le fait de vivre ensemble 24h sur 24 va rapprocher ces deux âmes qui vont tomber amoureux l'une de l'autre. Tout irait pour le mieux si Brundle, un soir de cafard et ayant un peu trop abusé de l'alcool, ne décidait de tester le telepod sur lui-même. Grosse erreur car, à son insu, une mouche s'est glissé dans la machine avec lui.....
Vendu à l'époque comme un pur film d'horreur (ce qu'il est tout de même), LA MOUCHE se concentre également sur la relation entre Brundle et sa compagne en y ajoutant un élément perturbateur, l'ex-ami de Veronica. Ce dernier est d'une jalousie maladive et ne peut se résoudre à laisser son ex-compagne vivre sa vie. Involontairement, il va pousser le pauvre Seth Brundle à passer à l'acte, ce dernier croyant que son amie est retournée dans les bras de son ex.
Mais c'est avant tout sur la lente déchéance physique de Brundle que David Cronenberg se focalise. D'un simple personnage doux, sensible et timide, Brundle va acquérir une puissance, une force incroyable qui va le rendre très arrogant avant de laisser la place à un être imprévisible et de plus en plus violent. La perte des cheveux, des ongles puis d'autres éléments physiques ne peut que frapper celles et ceux qui ont vu ce film à sa sortie, c'est à dire lorsque le sida était encore une maladie fort peu connue bien qu'ayant déjà fait des ravages considérables.
La perte des organes humains de Brundle va contribuer à sa métamorphose progressive en "autre chose". D'abord terrorisé, Brundle va prendre conscience qu'il devient un être différent. Jusqu'au jour où il explique à Veronica qu'elle doit partir car la mouche qu'il devient lui fera du mal si elle revient. Cette scène est absolument bouleversante car à ce moment, Brundle réagit encore en tant qu' être humain, bien que son instinct de mouche commence à prendre le dessus.
Le duo d'acteurs Jeff Goldblum et Geena Davis est vraiment remarquable dans leur rôle respectif, surtout quand on sait qu'ils étaient mariés à l'époque et qu'ils tiennent presque tout le film à eux deux. Le rôle a d'ailleurs tellement collé à la peau de Goldblum que le comédien s'est bien souvent retrouvé à interpréter des rôles de scientifiques au cinéma.
Mais mis à part l'excellente prestation des acteurs et une mise en scène plutôt sobre, il convient de signaler le remarquable travail de Chris Walas, maquilleur et concepteur de la mouche Brundle. La lente transformation physique de Brundle ne nous est pas épargné mais malgré la tonne de maquillage, Jeff Goldblum parvient toujours à nous communiquer ses émotions. Même la créature finale de Chris Walas réussirai à nous arracher quelques larmes dans les dernières secondes du film. Difficile d'accomplir un tel exploit de nos jours avec des images de synthèses...
Si certains regrettent parfois un final un peu trop violent et gore (gros plan sur les poignets et les chevilles) par rapport au reste du film, LA MOUCHE reste un authentique chef-d'oeuvre du cinéma fantastique, voire du cinéma tout simplement. Car mis à part ses références à la déchéance physique et au maladie telle que le sida, LA MOUCHE reste surtout une tragique histoire d'amour entre une femme et un homme lentement contaminé par sa création. Le film fera l'objet d'une suite en 1989, sobrement intitulé LA MOUCHE 2. Réalisé par Chris Walas, qui avait conçu les maquillages du premier volet, cette suite inférieure mais pas forcément mauvaise ne rencontra pas le succès de son ainé. La faute en revient à un script trop orienté vers l'horreur pure et une fin en totale contradiction avec l'original. Mais il faut surtout préciser qu'un film tel que LA MOUCHE se suffit amplement à lui-même et n'avait en aucun cas besoin d'une suite.
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