Polar urbain à la violence exacerbée, ce "La rançon de la peur" permettra au réalisateur Umberto Lenzi de nous dresser le portrait d'un salaud de la pire espèce, psychopathe, sans scrupules ni remords stigmatisant le pessimisme ambiant de cette décennie italienne troublée par la violence.
Le script va laisser un petit voyou névrosé et meurtrier préparer et réaliser le kidnapping de la fille d'un riche bourgeois en compagnie de deux acolytes avec à leurs trousses un commissaire de police bien décidé à les arrêter.
Le métrage démarrera sur les chapeaux de roues pour voir un homme, Giulio Sacchi, déposer devant une banque trois malfrats masqués s'apprêtant à commettre un hold-up tandis que Sacchi va les attendre dans cette voiture. Mais l'arrivée inopinée d'un policier prêt à verbaliser Sacchi mal garé va lui faire perdre son sang-froid et il va l'abattre, compromettant ainsi le braquage et l'obligeant avec ses complices à une fuite qui entraînera une course-poursuite rythmée à travers Milan avec deux véhicules de police qui n'arriveront pas à stopper les truands. Au-delà de cette séquence introductive dynamique et orchestrée de façon largement maîtrisée, le réalisateur nous montrera déjà les symptômes de la folie de Sacchi, avec notamment ces tics nerveux qui agiteront son visage. Mais le commanditaire du hold-up n'appréciera pas du tout ce loupé lamentable et Sacchi sera roué de coups avant d'être abandonné dans un terrain vague.
Ensuite, l'intrigue va s'occuper de nous présenter plus en profondeur son personnage principal, ce Sacchi que nous allons d'abord retrouver ivre et allant réclamer de l'argent à Iona, celle que l'on découvrira comme étant son amante (bien courageuse de supporter un tel individu sarcastique), pour le suivre également faisant le fier devant d'autres petits voyous avec ses discours croustillants, mais également se livrer à des actes de petits vandalisme dont un prendra une tournure dramatique puisque Sacchi n'hésitera pas un instant à assassiner un veilleur de nuit l'ayant surpris en train de dévaliser un distributeur à cigarettes. Ce meurtre permettra au métrage de mettre en scène le commissaire Walter Grandi, quelque peu désabusé, qui viendra enquêter sur ce nouveau crime survenant dans un Milan apparemment gangrené par la violence.
C'est dans ces conditions que Sacchi, en allant chercher Iona à la sortie de son travail (puisque elle, elle travaille…), va avoir l'idée de kidnapper la fille du riche patron de Iona et de demander une rançon pour pouvoir se la couler douce jusqu'à la fin de ses jours. Le plan va rapidement germer dans la tête de Sacchi qui va enrôler deux petits truands sans envergure vus auparavant, le rustre mais docile Vittorio et Carmine, plus jeune mais malléable. Le trio va donc préparer son coup, notamment en s'armant auprès d'un vieux trafiquant d'arme qui fera les frais de la violence aveugle de Sacchi, tandis que l'enlèvement proprement dit ne se passera pas tout à fait comme prévu pour permettre au réalisateur d'aller encore plus loin dans l'horreur avec le massacre d'une famille entière dans une villa, fillette comprise.
La suite nous réservera bien entendu quelques surprises dans le déroulement des événements qui, s'ils demeureront parfois bien classiques, sauront jouer avec l'imprévisibilité de Sacchi pour amorcer des rebondissements imprévus (ou justement devenant anticipable dans l'impensable puisque l'homme appliquera la politique du pire) et toujours immoraux et violents.
Umberto Lenzi se focalisera ouvertement sur cet individu tourmenté, stigmatisant ainsi les marginaux abandonnés à leur sort par la société italienne de l'époque et avides d'argent synonyme pour eux de bonheur et d'un luxe envié aux riches, avec pour seule échappatoire une violence faite de méfaits plus ou moins graves symbolisant l'insécurité régnant dans le pays à cette époque. Le réalisateur en profitera aussi pour plus discrètement amorcer un constat sur les différences de classes sociales et avancer un autre thème récurrent des polars du moment avec cette incompréhension et ces différents entre la justice et les policiers impuissants par manque de preuve, orchestrant même une vengeance finale attendue et quelque part moralisatrice malgré son aspect réactionnaire sous-jacent qui pourra déplaire à certains.
La force du métrage viendra donc en grande partie de ce Sacchi aux réactions imprévisibles que l'auteur aura l'intelligence de nous présenter de manière tout de suite inquiétante pour aller ensuite progressivement nous montrer jusqu'où cet homme est prêt à aller lorsqu'il se sentira menacé, sans oublier une bonne dose de sadisme et de perversion énorme ici uniquement sous-entendue (avec par exemple le sort qu'il réservera aux différents occupants de la villa et notamment avec ce qu'il fera faire à cet homme à sa merci). De ce climat entourant Sacchi découlera une tension et un suspense régulièrement prenant et grandement efficace (la balade en voiture avec Iona), tandis que l'incertitude quant au sort réservé par l'intrigue à la jeune femme kidnappée aura de quoi alimenter un doute persistant, d'autant plus que les complices de Sacchi vont au fur et à mesure que les faits vont s'accumuler se rendre compte de la folie et la dangerosité de leur mentor du moment, avec surtout ce Carmine au fond pas foncièrement méchant qui s'éprendra de la victime du kidnapping.
A côté de cela, la partie réservée à l'enquête policière pourra sembler plus classique, même si la machiavélisme de Sacchi viendra à nouveau bouleverser la donne, et heureusement le réalisateur ne s'y attardera pas plus que nécessaire pour juste laisser le temps au commissaire Grandi d'exister à l'écran et de nous prouver sa détermination sans faille, face au père de la victime prêt à payer, par exemple.
L'interprétation est adaptée et remarquable, avec un Tomas Milian idéal et impeccable dans le rôle de Sacchi auquel répondra avec son monolithisme légendaire Henry Silva qui campera Grandi, la petite touche sensuelle étant assurée par la belle Anita Strindberg.
La mise en scène d'Umberto Lenzi est efficace, aussi bien pour assurer le spectacle lors des temps forts du film que pour gérer le suspense et ce climat de tension permanent.
Donc, ce "La rançon de la peur" parviendra aisément à refermer son étau sur son spectateur pour l'entraîner dans une spirale de violence radicale grâce à son personnage principal jusqu'auboutiste !
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