L'étrange noël de Monsieur Jack a tout d'un aboutissement dans le parcours créatif de Tim Burton : intéressé depuis le début par les possibilités et la poésie de l'animation image par image (Vincent, Pee-Wee big adventure, Beetlejuice) il livre avec Monsieur jack une porte directement sur son imaginaire noir, satirique et... musical ! Le métrage est en effet habité par les ombres de l'expressionnisme, des expérimentations de Frankenstein (hommage clair à la Hammer film après son court Frankenweenie et avant Sleepy Hollow), ainsi que par des signes récurrents : la figure de la spirale, omniprésente, les chauves-souris et autres têtes de mort, qui sont tout à fait à leur place dans le monde macabre de Halloween Town. La musique et les chants créés par le comparse de toujours, Danny Elfman, sont une BO entraînante et presque parfaite pour décrire une étrangeté romantique.
Enfin, plus que le décorum, ce qui caractérise plus les films de Tim Burton est peut-être la place central accordée au marginal, au personnage en marge. A Halloween Town, quoi de plus marginal que d'aspirer au bonheur, aux joies simples plutôt que de participer à une célébration sombre, jusqu'à en être le symbole ? Il n'y a aucun doute, jack est le marginal, l'anomalie au cœur d'un système trop bien réglé. Tous ces personnages (Edward, Ed Wood, Beetlejuice, ...) sont bien tous Tim Burton au final. Il essaye toujours de faire autre chose que ce que le système veut lui faire faire : chez Disney, alors qu'il était consultant designer, Burton n'est jamais arrivé à faire accepter aucun de ces dessins (il ne le cherchait pas non plus). La tentative de Jack de "faire noël" peut trouver un parallèle intéressant dans la carrière de Burton : au milieu de tous ces films qui lui ressemblent tant, il a commis la Planète des singes, qui s'est soldé par un échec critique cuisant. De même, est-ce le même Tim Burton qui a pu réaliser Big Fish, film optimiste sur la mort, si coloré et plein d'une nostalgie enchanteresse ? Comme pour montrer que ce n'était qu'un passage, un faux pas peut-être (même si je trouve personnellement Big Fish excellent sans pour autant cadrer avec le style Burton), le voilà qu'on retrouve les noces funèbres quelques années plus tard, et dernièrement Sweeney Todd, le film le plus macabre et extrême de son réalisateur. Mais on voit ici que, alors que L'étrange Noël de Monsieur Jack dégage une pureté dans les intentions et une richesse thématique et visuelle sans pareille, les Noces funèbres autant que Sweeney Todd dévoilent désormais une coquille vide, un style sous lequel plus rien d'intéressant ne vient nous toucher. Comme si, Burton s'étant rendu compte de ce qui fait son style, il ne faisait que recycler une esthétique, une patte Burton (une marque ?) reconnaissable. Burton serait malgré lui devenu l'outil d'un système qu'il combattait ? C'est ce que je penses, et l'étrange Noël représente un sommet de tout ce qui faisait que Burton était unique dans sa façon de voir le monde. De façon assez logique, le film est devenu le porte étendard d'une communauté de marginaux : les goths.
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