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L’ultime Razzia est le film qui a fait connaître Kubrick à une échelle internationale. Réalisé en 1956 avec l’aide du producteur James B. Harris, le film appartient au courant du film noir, et démontre déjà tout le talent de Kubrick metteur en scène. En effet, partant d’un canevas simple (une bande met au point le vol des recettes d’une course de chevaux aux enjeux élevés), Kubrick y fait des choix très ingénieux : premièrement, il opte pour une narration déconstruite, suivant un par un l'itinéraire de chaque individu de la bande le jour J, narration aidée par une voix-off qui recentre les enjeux ainsi que l’heure de la séquence, importante pour situer l’action dans le cours de la journée. Contrairement à l’usage que fera Kubrick de la voix-off dans Barry Lyndon, celle-ci ne devance pas la narration en dévoilant des faits qui ne se sont pas encore produits. Elle laisse ainsi le récit dégager sa propre force. Cette force vient du deuxième choix très ingénieux de Kubrick, avoir une image toujours mobile, ne laissant aucun répit à l’action et donc aux protagonistes. Le procédé a été repris dans une foultitude de films depuis, et semble être une source d'inspiration inépuisable pour Quentin Tarantino (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Jackie Brown...)
Dans un quadrillage où tout semble avoir été préparé dans les moindres détails, les pièces du puzzle s'emboîtent les unes aux autres dans la plus grande clarté. Optant pour une caméra multipliant les travellings brillants, on cerne du même coup les destinées foirées dès le départ de tous les protagonistes, et c’est enfin là la troisième grande force du film : des personnages et des dialogues écrits au cordeau tels qu’en une scène on connaît le passé et les aspirations des personnages en présence. C'est flagrant notamment dans les deux scènes contiguës entre George Peatty et Fay sa femme, où le pauvre homme est mené à la baguette par une femme dont il se demande pourquoi elle l'a épousé. Dans la scène suivante, on retrouve Fay avec son amant, et là l'équilibre des forces est inversé : la femme se retrouve en position de faiblesse (ce n’est pas elle qui prend les décisions) et l’homme a clairement conscience des potentialités de la situation là où le rôle du mari (joué par un Elisha Cook Jr. excellent comme d’habitude, même s'il joue toujours pareil) ne semble avoir aucune volonté propre. De même, les allers retours dans le scénario enrichissent les descriptions de chacun des personnages. Comme quoi, même dans un film où tout va à 100 à l’heure (toute l'affaire est réglée en 1h20 top chrono), rien n'est oublié pour proposer un résultat intelligent, vif, désespéré et déterministe. Intelligent car malgré le fait que l'on voit une même scène plusieurs fois (le début de la fameuse course de chevaux) et malgré la voix-off, tout ce qui se passe à l'écran est une surprise. On ne sait pas toutes les ficelles du plan avant qu'il ne se produise, un peu ce qui gâchait un film comme Ocean's Eleven, trop prédéterminé depuis le début. La razzia reste donc toujours ultime aujourd’hui.
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