Avec ce film d’Anthony Mann de 1948, nous entrons dans l’univers particulier du docu-policier, bien que l'on considère également La brigade du suicide comme un film noir. Le film s’ouvre ainsi sur un étonnant prologue : le véritable responsable du département du Trésor nous présente les activités de son organisation. Il nous présente un dossier qui fut visiblement épineux, nommé Le papier de Shanghai et... c’est celui que nous allons découvrir dans le film proprement dit. Il s’agit donc de 2 agents du Trésor (T-Men, d’où le titre original) qui vont mener une mission d’infiltration dans un réseau de trafic de fausse monnaie. Toutes les étapes du processus sont traitées, de celui, violent et perpétuellement dangereux des deux personnages principaux, à l’autre, de l’équipe de chercheurs qui, en laboratoire, analyse, détecte les faux billets. Il s’agit, de toute évidence, d’un film à la gloire des pouvoirs de répression, de la police. C’est effectivement le cas, avec un véritable banc d’honneur à la fin, sonnez trompette et tambour, et ainsi de suite. Mais la violence des échanges (le titre français en dit long) et la façon dont les agents pénètrent ce milieu interlope qui est invisible aux yeux du reste du monde, c’est le cœur du film, et c’est ce qui en fait un film noir à proprement parler. Certaines scènes sont mémorables : je retiendrai celle où l’agent Genaro rencontre sa femme alors qu’il est en ville avec un maffieux du trafic (sous une fausse identité) : il doit nier avoir jamais vu ni connu la femme qu’il aime, alors même que cette rencontre intervient plusieurs mois après la dernière fois qu’ils se sont vus : ils n’ont pas le loisir de se retrouver convenablement… Déchirant. Film didactique s’il en est, au moins la piste et le cheminement suivi par les T-Men est limpide, les enjeux étant exposés clairement et simplement (ce qui change de l’habituel film noir). La façon dont l’agent O’Brien remonte la filière et pénètre enfin dans l’endroit où tout ce jour –un tripot mal famé) est excellente. De très bons moments donc pour un film un peu particulier, avec un rapport très direct à la réalité de l’époque.
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