Le fantôme de l'opéra est une œuvre littéraire ayant inspiré le cinéma à maintes reprises. Cette version, tournée en Technicolor par Arthur Lubin, mérite un examen attentif, car elle passe pour être un classique, point sur lequel nous serons plus réservé. Tel quel, le film a des atouts indéniables : en premier lieu, nous mettrions en avant une photographie magnifique, typique du Technicolor trichrome d'alors, un vrai festival visuel. Les acteurs sont également très bien castés. Mais alors, qu'est-ce qui cloche dans cette adaptation du célèbre roman de Gaston Leroux ? Le ton du film, d'une, qui hésite constamment entre comédie musicale, romance, policier et horreur. Car il faut bien le dire, si le titre du film est effectivement Le fantôme de l'opéra, ce dernier est rejeté à la périphérie de l'intrigue, quasiment absent la plupart du temps. Certes, on voit beaucoup son ombre, idée qui renforce le fait qu'il hante, tel un fantôme, les lieux. Soit. Mais à ce moment-là, pourquoi ne pas avoir gardé ce parti-pris plus longtemps ? l'ambiance étrange qui s'en serait dégagé aurait été, à notre sens, plus efficace. Non, ici le plus important, c'est finalement plus les représentations visuelles et sonores des opéras, le comique de situation venu d'un triangle amoureux, ou encore les investigations visant à trouver l'assassin plutôt que le sort de notre fantôme. Il faut savoir que les acteurs principaux (à part Claude -l'homme invisible- Rains) étaient chanteurs. Il convenait alors de mettre leurs talents en valeur, d'où les longues séquences de chant. C'est bien dommage tant le fantôme devient une caricature, passant d'un état plutôt préoccupé mais acceptable au psychopathe classique en un clin d'œil. De plus, l'absence de lien véritable entre le fantôme et sa protégée (qu'il va finir par séquestrer) réduit considérablement l'impact de l'action, et surtout ne donne la matière nécessaire à la justification des actes du fantôme, si tordue soit-elle (la justification). Le scénario est aussi à blâmer. A l'origine, les deux personnages étaient père et fille, ce qui a même été envisagé pour le film, puis le studio a rejeté l'idée, la trouvant trop déviante. Malgré tout, cela aurait apporté un plus.
Une des dernières séquences du film, présentant la lutte classique des deux prétendants face à l'objet de leurs attention, se finit comme à l'accoutumée par une pirouette comique dont on aurait pu croire qu'il s'agisse de la fin du film : cela n'aurait pas juré avec le reste, tant le cinéaste choisit plus l'option "grand public - faisons rire et montrons des chansons chorégraphiées colorées" que celle du "intéressons-nous à notre monstre" (qui est, rappelons-le, à la fois le rôle éponyme et la priorité du studio depuis qu'il a lancer sa série des Frankenstein, Dracula). Pour un classique, permettons-nous d'être déçus.
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