Mis en scène par Jack Arnold, réalisateur ayant donné vie à quelques perles du cinéma fantastique (Tarantula, La créature du lac noir) L’homme qui rétrécit est clairement sa plus grande réussite. Aidé par le récit génial de Richard Matheson (Je suis une légende, La quatrième dimension), Arnold réussit plus qu’un grand film fantastique : c’est un classique du cinéma mondial. Point.
Partant d’un postulat typique du fantastique -l’exposition d’un personnage à un brouillard radioactif-, le film dévie vers des problématiques totalement différentes. En effet, si au début, des péripéties classiques surviennent (chapeau et pantalon devenus trop grand), on a vite affaire à un sous-texte carrément dérangeant : le personnage principal qui subit la transformation est marié ; dès lors, comment sa femme peut vivre le fait que son mari devienne plus petit… comme un enfant ? De plus, c’est l’homme, figure virile et dominatrice (nous sommes au milieu des années 50) qui est la victime impuissante du film. Après une phase de stabilisation du processus, la diminution repart de plus belle, et on arrive à des séquences qui sont rentrées dans l’imaginaire collectif : bataille dantesque contre une araignée qui, par la différence d’échelle entre l’humain et la bestiole, devient gigantesque ; jeu du chat et de la souris avec dans le rôle de la souris… notre héros.
Le cinéma fantastique s'est d'ailleurs beaucoup basé sur les effets de différence d'échelle car cela reste saisissant : L'attaque de la femme de 50 pieds, les Sinbad... Les plans composites sont ahurissant de réalisme, le noir et blanc aidant bien à fondre les différences de qualité de pellicule. On retrouvera l’araignée dans Tarantula, deux ans plus tard. Le héros mène dès lors une véritable lutte pour sa survie : c’est le réalisme de cet état de survie qui fait aussi que le film sort du lot des productions fantastiques de l’époque.
Le survivant erre dans un no man’s land, livré à lui-même, avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de lui. La différence entre sa vie en société du début du film, et son début tout à fait idyllique (la ballade en bateau) est flagrante. Du civilisé, on passe progressivement au sauvage (accoutrement, façon de se nourrir, de se défendre, de se protéger). Je me tairais sur la fin du film, absolument sublime, amenant le propos sur un prolongement philosophique dont je n’ai pas souvenir d’avoir été jamais traité au cinéma. L’homme qui rétrécit, ou comment un film fantastique ultra divertissant peut à la fois faire preuve d’une grande force de réflexion.
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