Réalisé en 1955 par le grand cinéaste japonais Tomu Uchida, Le mont Fuji et la lance ensanglantée est un très beau chambara (film de sabre japonais) psychologique.
Dans un superbe noir et blanc contrasté, Le mont Fuji et la lance ensanglantée réunit dans le même périple de nombreux personnages : un jeune maître s’interrogeant sur sa condition, ses deux vassaux dont un lancier très à cheval sur le respect qu’il doit à son maître, une jeune fille et son père qui pour éponger ses dettes est contraint de la vendre à un proxénète, un jeune garçon misérable qui prend pour modèle le lancier, un voleur sans foi ni loi, un autre père qui veut racheter sa fille au proxénète à qui il l’a vendue et enfin une jeune femme accompagnée de sa toute petite fille.
Le destin va entremêler tous ces personnages, dans un film empreint d’humanisme, qui s’intéresse avant tout aux hommes et non à leur condition sociale, les ramenant tous à égalité. Pour Uchida, ce sont en effet les qualités humaines telles que la générosité, la bonté, l’amour filial qui comptent. Loin des codes du Bushido (le livre des samouraïs), le film d’Uchida transgresse cette philosophie en mettant au même niveau les maîtres et les vassaux, comme le démontre cette étonnante scène où le maître demande à son vassal de penser par lui-même, d’être lui-même. C’est alors que des samouraïs, entendant la conversation, provoquent en duel le jeune maître car il a osé parler avec son vassal d’égal à égal.
Par cette fabuleuse séquence, Uchida montre que le Japon est toujours figé dans des principes passéistes qui n’ont plus de sens, mais qui continuent malgré tout. Le cinéaste japonais nous gratifiera ensuite d’une superbe scène de sabre où il déploiera toute sa maîtrise de l’espace, dans laquelle le lancier, pour venger son maître, osera défier des samouraïs qui ne sont pas de son rang. Par une pirouette finale abracadabrante, Uchida dénoncera enfin l’absurdité du système japonais.
D’une étonnante modernité, Le mont Fuji et la lance ensanglantée est un passionnant chambara humaniste et critique d’Uchida à découvrir d’urgence, même pour ceux qui ne sont pas spécialement fans des films de sabre.
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