Projet collectif terminé en 2006 et sorti en salles en 2007, Destricted est un film à sketches réunissant sept cinéastes très différents : Matthew Barney (le cultissime réalisateur du cycle Cremaster et de DR9), Marina Abramovic, Richard Prince, Larry Clark (cinéaste culte américain, auteur des remarquables Kids, Bully ou encore Ken Park), Marco Brambilla (le réalisateur du très fun Demolition man avec Stallone), Sam Taylor-Wood et le cinéaste français Gaspar Noé (auteur du génial Seul contre tous et du controversé Irréversible). Chacun de ces sept cinéastes va en fait donner son idée de la pornographie, dans un film cru (le film a été interdit aux moins de 18 ans) mais parfois inégal, ce qui est hélas le principal défaut du film à sketches, sauf lorsque celui-ci est réalisé par la même personne, comme l’excellent Les monstres de Dino Risi.
Le segment réalisé par Barney, Hoist, est très intrigant, tout à fait dans le style du cinéaste qui privilégie avant tout le côté architectural. Il en résulte une vraie curiosité, esthétiquement impressionnante, mais qui peut provoquer l’ennui. (7,5/10)
Celui de Marina Abramovic, intitulé Balkan erotic epic, séduit par un ton satirique très plaisant qui met en lumière toutes les pratiques sexuelles balkaniques. Souvent délirant, juxtaposant avec bonheur des situations de plus en plus grotesques, Balkan erotic epic mérite le détour par son atmosphère décalée et son humour très particulier. (8/10)
House call est le segment mis en scène par Richard Prince. Ce sketch se contente hélas de reproduire une scène pornographique dans l’esprit des films X américains des années 1970, avec un effet de pellicule volontairement usagée (comme dans Boulevard de la mort de Tarantino). Rien de bien intéressant dans ce segment, si ce n’est les fabuleux attributs mammaires de l’actrice ! (4/10)
Impaled, le segment de Larry Clark, est de loin le plus réussi. Le cinéaste américain, fidèle à sa méthode, a filmé un faux concours dans lequel le vainqueur gagne le droit d’avoir un réel rapport sexuel avec une actrice pornographique qu’il aura choisi au préalable. Clark en profite pour critiquer, mais avec la tendresse propre au cinéaste lorqu’il filme les adolescents, la jeunesse américaine dopée aux films X, qui pense qu’un rapport sexuel se réduit à une performance physique pure, conformément aux films pornographiques qu’elle avale à longueur de journée. Le sketch débouchera évidemment sur le rapport sexuel gagné, dans une étreinte froide et mécanique, dépourvue de toute sensualité, où le jeune vainqueur reproduit à l’identique ce qu’il a vu dans les films X. Le constat est impitoyable et pointe férocement du doigt la sexualité qui est devenue un commerce purement mercantile, au détriment des sentiments. (9/10).
SYNC, le très court segement réalisé par Marco Brambilla, est un brillant exercice de montage qui fait se télescoper de multiples images pornographiques dans une symphonie bruitiste suivant le rythme de la musique mécanique qui accompagne le sketch. La succession s’accélère de plus en plus, diluant les images. Ce n’est qu’un exercice de style, mais il faut reconnaître qu’il est très convaincant. (8/10)
Death valley, réalisé par Sam Taylor-Wood, suit froidement un homme dans la Vallée de la mort, seul et déambulant dans le désert, qui décide de s’arrêter pour se masturber. Assoiffé, diminué physiquement, abandonné de tous dans une terre inhospitalière, l’éjaculation de l’homme devient une véritable souffrance. Le cinéaste joue habilement sur le temps, qu’il dilate au maximum, afin que le spectateur souffre autant que l’homme. Cette fable désespérée et pessimiste est une métaphore troublante de la solitude des êtres humains. Très éprouvante, elle ne peut laisser de marbre. (8/10)
Enfin, le dernier segment, We fuck alone, a été réalisé par le cinéaste français Gaspar Noé., Dans un style froid et dépressif, le sketch finit, à force de provocations et de mouvements de caméra saoûlants, par donner la nausée au spectateur. Si le segment est plutôt brillant cinématographiquement, il s’avère décevant, car répétant trop longuement les mêmes motifs. Notamment interprété par la star du X Katsumi, We fuck alone est une expérience certes virtuose, mais ratée en partie. Sur le même thème, le sketch de Sam Taylor-Wood est beaucoup plus réussi. 5/10
Au final, Destricted est un film intéressant qui vaut essentiellement pour l’impressionnant segment de Larry Clark. Il possède hélas les défauts inhérents à ce genre de films : l’inégale qualité des sketches.
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