C'est au travers d'une intrigue policière parfaitement huilée que ce "Mais qu'avez vous fait à Solange ?" vient aborder plusieurs thèmes délicats à l'époque, tout en maintenant en haleine son spectateur de bout en bout, pour un film qui reste un splendide représentant du "Giallo".
Le script suit la difficile enquête d'Enrico, un professeur dans un collège catholique dont la petite amie, élève dans ce même établissement, a aperçu un meurtre alors qu'ils batifolaient dans une barque sur la Tamise, et alors que d'autres jeunes filles sont assassinées, Enrico va devoir démasquer le meurtrier pour faire face à sa position de suspect et à sa délicate situation, notamment auprès de ses confrères et de sa femme légitime.
D'entrée, le métrage lance son intrigue en nous présentant Enrico et sa jeune compagne Elizabeth flirtant sur une barque alors que la demoiselle va croire voir une autre jeune femme poursuivie par un homme et quelques instants après le scintillement d'un couteau, ce que son ami prendra d'abord pour une excuse pour limiter leur ébats qui risquaient d'aller plus loin, pour une première séquence bien soft au niveau de sa violence en laissant déjà apparaître quelques sous-entendus glauques quant au mode opératoire de l'assassin.
Ensuite, l'intrigue s'intéressera à ses différents personnages au travers des prémices de cette enquête policière qui placera rapidement les professeurs et surtout Enrico comme suspects potentiels, puisque la victime se révélera être une élève du collège où il enseigne, tout comme sa petite amie, alors que son épouse y est également enseignante, et ce sera grâce au savoir-faire du réalisateur que l'on pourra ressentir cette suspicion tacite et la situation gênante dans laquelle se trouve le personnage principal.
Petit à petit, le métrage orientera ses différentes pistes dans plusieurs directions, laissant ainsi le spectateur dans l'expectative, celui-ci ne sachant pas quel réel crédit apporté aux éléments dirigeant l'intrigue vers un meurtrier issu du corps religieux, surtout que la symbolique des meurtres pourra laisser penser à une certaine expiation des pêchés, avec ces victimes retrouvées avec un couteau enfoncé dans le vagin.
Par contre, si le personnage principal sera d'entrée innocenté par une mise en situation l'empêchant d'être coupable, ce sera avec un véritable intérêt que nous suivons ses déboires dans sa quête de légitimité avant que le discrédit ne lui infligé lorsque sa relation avec son élève mineure sera inévitablement rendue publique.
Si les séquences débouchant sur les meurtres de cette première partie du film généreront un climat de tension palpable tout en nous apportant quelques précieux indices sur le meurtrier, elles ne seront pas vraiment expansives ni sanglantes malgré leur aspect terriblement glauque et il faudra attendre le terrible crime dans la baignoire filmé remarquablement en caméra subjective pour que le métrage ne deviennent douloureusement graphique.
Mais alors que l'on avance considérablement dans l'intrigue, une question lancinante viendra régulièrement tarauder le spectateur, puisqu'il ne sera encore jamais question de cette "Solange" du titre et il faudra donc attendre la seconde moitié du film pour que peu à peu le véritable puzzle se mette en place et ne nous dévoile toute la vérité choquante, douloureuse et éprouvante de ce drame hardi pour l'époque.
Car le réalisateur accumule de manière volontaire les sujets délicats et tabous, entre cette relation extra-conjugale entre ce professeur et son élève et ces références à l'église, tout en insinuant le côté délibérément voyeur de certains professeurs, avant d'enfoncer le clou avec la moralité plus que douteuse de ces adolescentes et surtout avec la révélation finale.
Mais cela n'empêchera pas l'ensemble d'être limpide et de rester linéaire, puisqu'en plus de présenter un panel de suspects potentiels larges mais tous plus crédibles les uns que les autres, l'intrigue évitera d'aller se perdre dans des méandres compliqués pour toujours se concentrer sur l'essentiel en n'apportant que des détails ayant finalement un réel intérêt et faisant constamment travailler l'imagination du spectateur quant aux futurs développements envisageables, tout en respectant les principaux codes du "giallo".
En effet, nous retrouverons ici un assassin ganté et vêtu de noir et des meurtres à l'arme blanche ( dont nous ne verrons que le résultat, suffisamment évocateur et osé ), ainsi que l'érotisme d'usage plutôt sage mais bien souvent porteur de sous-entendus assez pervers.
L'interprétation est plus que convaincante, notamment grâce à Fabio Testi épatant de justesse et la mise en scène du réalisateur sera très efficace, aussi bien lors des scènes de meurtres par l'emploi d'une caméra subjective parfaitement maîtrisée qu'en donnant un rythme calme et posé au reste pour mieux nous impliquer et nous faire partager les situations.
Donc, ce "Mais qu'avez vous fait à Solange ?" reste un merveilleux fleuron du "giallo", à l'efficacité optimale au service d'un sujet glauque et malsain !
|