Lors de son passage au cinéma, j’avais été époustouflé par la mise en scène et par cette histoire un peu confuse mais très riche, sans être pourtant saisi d’admiration parce qu’on semblait évoluer en terrain connu, sans grande surprise donc.
Mais là ce fut un nouveau choc. Tout en décelant quelques défauts, je n’ai pas pu m’empêcher d’être séduit totalement par cette œuvre magnifique, empreinte de magie et de poésie romantique.
Ca commence comme un conte de fée et s’achève de même. Mais, et c’est ce que j’admire chez Miyazaki, l’irruption de l’élément fantastique est rapide, sans préalable. On évolue dans un monde uchronique que les écrivains de SF nommeraient tendance steampunk : une ère de la vapeur qui se prolongerait, mêlant style architectural victorien et visions à la Jules Verne, tout en laissant une place non négligeable à la magie, aux créatures de féérie et aux sorciers – un peu comme dans Kiki d’ailleurs.
Une œuvre flamboyante dans laquelle le réalisateur se révèle un peu moins pudique que d’habitude dans la mise en valeur des sentiments – et d’ailleurs parfois maladroit dans certains dialogues. C’est qu’il ne s’agit plus ici de cet amour pur et innocent qui liait si fort les héros de Mononoké ou du Château dans le ciel : pas tout à fait femme, se croyant en outre laide et pas désirable, Sophie, qu’elle soit au naturel ou sous l’emprise de la malédiction, n’est jamais fardée, ne se voile jamais la face, au contraire de toutes les autres femmes qui apparaissent dans l’histoire. D’ailleurs, suivant le moment de la journée ou son humeur, elle a tendance à retrouver un peu de sa jeunesse, tout en gardant les cheveux gris. Ce n’est qu’un des paradoxes de cette comédie aux multiples facettes, autant que le château ambulant a de portes sur le monde, certaines d’ailleurs donnant sur un autre temps. Un scénario à tiroirs dont on ne comprend pas tout de suite les motivations des personnages mais qui séduit par leurs caractéristiques : chacun dans leur genre, le chien asthmatique rencontré au pied du palais, l’épouvantail à tête de navet et l’inénarrable démon Calcifer sont adorables. Ils balisent le parcours de Sophie qui, contrairement à Chihiro par exemple, ne recherche pas la sagesse (elle lui est tombée dessus avec les 70 ans de bonus magique) mais bien quelqu’un à aimer, à défaut de s’aimer soi-même.
D’une splendeur visuelle rare, parfois troublant, totalement émouvant sur la fin (un peu trop optimiste toutefois), c’est un film au pouvoir évocateur extraordinaire : autant ces lacs d’altitude bordés de prairies en fleurs que ces gigantesques bombardiers mus par la vapeur constituent des visions inoubliables. Miyazaki a su mêler avec bonheur son goût pour la mécanique et sa vénération pour la nature. Magique.
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