Ces "désastreuses" aventures existent en livres pour la jeunesse, expression galvaudée cette dernière décennie tant elle est la littérature la plus riche et la plus prometteuse en ce moment. A lire, c'est fin, souvent subtil, mais suffisamment parlant à un enfant de plus de huit ans. De nombreuses références culturelles jonchent les ouvrages (il suffit de voir les noms des protagonistes, des orphelins eux-mêmes et du banquier Poe) dont 9 tomes sont déjà parus dans une collection mettant en avant de belles illustrations et une splendide couverture.
Le film a pris le parti d'illustrer les 3 premiers épisodes. On comprend très vite pourquoi : il n'y avait pas assez de matière hollywoodienne pour tirer en longueur le premier opus. Ce qui constitue la grosse faiblesse du film, une vraie baisse de rythme dans les enchaînements. Vous me direz que c'est une série TV de luxe, et vous aurez sans doute raison.
Car c'est plein de bonnes intentions, graphiquement magnifique, avec un univers décalé, hors du temps, participant autant des Histoires Extraordinaires d'Edgard Poe que des visions de Tim Burton : des couleurs passées, tirant ostensiblement sur le gris, une architecture très Nouvelle-Angleterre (la Providence de Lovecraft n'est pas loin), des tenues excentriques. Les voitures datent des années 50, mais le comte Olaf a quand même sa télécommande ! Cette vision d'un monde temporellement figé fait écho dans de nombreuses réalisations récentes, notamment chez Jeunet : elle permet d'installer des scènes dans un environnement régi uniquement par l'imagination créatrice et le respect aux œuvres de référence. Ca m'a fait aussi penser, dans une moindre mesure, à La Souris, à Stuart Little ou à ce petit film sympathique qu'était le Petit Monde des Borrowers.
Les grandes réussites du film sont la séquence d'ouverture (peut-être encore meilleure que celle du livre), le sublime (mais un peu long) générique de fin (en patientant, vous aurez droit à une chanson de marin interprétés par Jim Carrey) et la galerie de portraits. Les enfants sont peut-être trop beaux pour être vrais, mais le gimmick des sous-titres pour le langage de la petite Prunille permet de conserver une touche comique.
Le problème vient quand le premier épisode se termine, de façon un peu tronquée. On se dit alors que de 2 choses l'une : soit on va vers une sorte d'amalgame, soit on opte pour un condensé vertigineux des aventures de nos orphelins débrouillards. Il semblerait que les producteurs se soient laissés une marge pour une ou plusieurs suites, d'où cette impression désagréable d'inachevé et cette fin déplacée qui tombe un peu à plat. Cela dit, de nombreux mystères restent irrésolus et l'ambiance farfelue maintient l'attention.
Et viennent les "gueules" du film, Carrey et Streep en tête. Jim en fait trop, comme souvent, et phagocyte un brin le film. Meryl Streep est tordante mais son personnage agace plus qu’il ne séduit. On aimerait pourtant les voir davantage, on aurait souhaité un rythme plus trépidant, sans répit, alors que la narration est du style sinusoïdal (accélération, calme, accélération, pause, etc.).
L'intervention de l'auteur (Lemony Snicket) dans le film est intéressante, mais on sent que ce parti pris s'essoufle dans la seconde moitié.
Mais la beauté des décors, le côté bon enfant de certaines situations, les nombreux clins d'œil valent le détour.
Un beau spectacle, un peu théâtral, une belle histoire qui aurait mérité plus de considération.
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