DVD A LA LOUPE

Résumé : Joey Davis (Joe Dalessandro), ex-star d'une série télé western se retrouve au bord de la piscine du Tropicana Motel à Hollywood. Il y rencontrera plusieurs marginaux décalés, dont une ancienne actrice, Sally, qui lui proposera de l'héberger dans sa villa.

Avis : Souvent présenté comme une parodie du film Sunset Boulevard de Billy Wilder, Heat est une habile et drôle critique du Hollywood contemporain.

Comme d'habitude, Paul Morrissey utilise Joe Dalessandro dans le rôle de Joey dont la carrière télé en fin de course le mène à relancer sa carrière en tant que chanteur de rock. Comme d'habitude à nouveau, Joey va cotoyer pas mal de personnages plus déjantés les uns que les autres : une lesbienne accompagnée de son fils, une tenancière obèse qui accepte les paiements en nature, un couple de frères homos qui se produisent sur scène....et comme d'habitude, le pauvre Joey devra passer dans leur lit à chaque fois ! A ce titre, la première heure du film est vraiment drôle lorsque l'on fait la connaissance de ces personnages tous plus décalés les uns que les autres.

Mais la principale rencontre se fait dès le début du film en la personne de Jessica. Celle-ci lui présentera sa mère, Sally, une ancienne actrice. Désireux de recommencer tant une nouvelle carrière qu'une nouvelle vie, Joey va accepter de se rapprocher d'elle, celle-ci lui proposant d'emmenager dans sa luxueuse maison. Ce qui est assez drôle d'ailleurs dans le film c'est de voir ces deux personnages non pas être réellement amoureux l'un de l'autre, mais être ensemble parce qu'ils ont tous les deux des besoins que l'autre peut combler : Joey permet à Sally de se rassurer et de penser qu'elle est encore une assez bonne séductrice. Sally quant à elle est le moyen pour Joey de connaître des personnalités lui permettant peut être de relancer sa carrière. A ce propos une scène du film est tout à fait frappante : après avoir fait l'amour avec Joey, Sally lui demande : "Est-ce que tu trouves que j'étais une bonne actrice ?". Il lui répond "..Et toi est-ce que tu m'aideras pour trouver du boulot ?". On peut quasiment dire que tout le film tient dans cette réplique.
Pour autant, même si Sally aidera Joey a s'en sortir, celui-ci comprendra rapidement qu'elle ne lui ait pas suffisamment "utile". Il décidera de rompre et malheureusement sera contraint de revenir au motel.

Ce troisième film n'est peut être pas le meilleur du réalisateur mais reste quand même en harmonie avec les deux précédents. Quittant les bas-fonds new-yorkais, Morrissey transpose l'action de son film vers les collines d'Hollywood. Néanmoins, malgré le soleil californien, le bleu des piscines et la beauté des corps bronzés, la vie des personnages semble souvent aussi noire et desepérée que celle des junkies des bas-fonds de New-York.

Par delà l'histoire en elle-même, c'est d'observer l'itinéraire du héros principal des films de Morrissey à travers ces 3 films : dans Flesh, Joe était un jeune prostitué certes, mais en pleine possession de ses moyens physiques. Alors qu'il va "regresser" dans Trash en devenant un simple junkie impuissant, tentant vainement de vendre son corps, Heat va lui donner les moyens de se transformer afin qu'il puisse essayer de se faire sa place au soleil. La trame commune entre ces trois films est l'espèce de vagabondage sexuel de Joe : de rencontre en rencontre, d'expérience en expérience, la personnalité de Joe va s'affirmer pour qu'il se transforme avec ce 3ème opus en "icône" sexuelle très positive, rassurée par ses expériences passées.

Néanmoins, même si Joe se transforme au fur et à mesure des 3 films, la fin de Heat est assez révélatrice : Joe se voit contraint de retourner au motel auquel il voulait tant échapper : il semblerait qu'il ne puisse échapper à son destin de jeune prostitué vivant de ses charmes. La boucle est bouclée : Joe a vainement tenté d'échapper à un monde qui ne lui convenait plus, mais sa place est bien là, dans cette espèce de misère sexuelle et sentimentale, en quête d'absolu grâce aux paradis artificiels.

La trilogie de Paul Morrissey est donc une oeuvre à part du cinéma américain. Produite par Andy Warhol, cette oeuvre est incontestablement à replacer dans son contexte. Pour certains il s'agit d'une poeuvre vulgaire, inintéressante, faisant l'apologie de la drogue, de la prostituion...en un mot de la déchéance humaine. Plus finement, on peut voir dans la trilogie de Morrissey à la fois une oeuvre de fiction et un documentaire s'inscrivant en réaction à la deshumanité de certaines grandes cités, tout en témoignant de façon pathétique des ambitions déçues de son personnage.

 
Heat - Paul Morrissey / La trilogie III