DVD A LA LOUPE

Résumé :  Zorg, ouvrier, mène une vie tranquille, travaillant sans se poser de questions et écrivant à ses heures perdues. Mais c'est le moment que choisit Betty, une fille aussi imprévisible que belle, pour venir chambouler sa vie...

Avis : Histoire d'amour tragique, "37°2 le matin" est un film excessif dans toutes ses composantes, à l'image du roman de Philippe Djian dont il est tiré, oscillant sans cesse entre la comédie satirique avec beaucoup de drôlerie et le drame poignant. Adulé à sa sortie par des jeunes s'identifiant au couple formé par Betty (Béatrice Dalle) et Zorg (Jean-Hugues Anglade), deux acteurs inconnus à l'époque (il s'agissait même du premier film de Dalle), il fut aussi beaucoup critiqué pour ses scènes décalées et un parti pris de choquer à travers de nombreuses scènes érotiques, et de nudité féminine et masculine. Vingt ans plus tard, il n'a guère pris de rides et est devenu un film culte, symbole d'une génération. Le film est d'abord sorti en salles dans une version de deux heures, puis cinq ans plus tard est ressorti dans une version de trois heures qui correspondait exactement à ce que souhaitait le réalisateur Jean-Jacques Beineix. Le DVD présente les deux versions, la version longue étant beaucoup plus riche et permettant une bien meilleure compréhension de l'évolution des personnages, qui va conduire Betty à la folie et à l'autodestruction.

Zorg a la trentaine, et quand Betty lui propose de venir vivre avec lui, il croit vivre un rêve. La jeune femme est belle, passionnée, mais d'un caractère fantasque, presque asocial. Capable de passer des heures à lire et taper avec deux doigts le roman que Zorg avait écrit quelques années plus tôt, elle est aussi susceptible de se mettre dans des rages folles, balançant furieusement par la fenêtre tout ce qui se trouve dans la maison, vidant un pot de peinture sur la voiture du patron de Zorg, et mettant même volontairement le feu au bungalow où ils vivaient. On la verra aussi balafrer un éditeur critique et enlever un petit garçon après un espoir de grossesse raté. Ces frasques vont conduire le couple de Gruissan Plage à Paris où ils se lieront d'amitié avec Eddy (Gérard Darmon) et Lisa (Consuelo de Haviland), puis à Marvejols, pour tenir le magasin de pianos de la mère d'Eddy, décédée. Si Eddy et Lisa ont un comportement à peu près normal, Zorg et Betty vont côtoyer à Marvejols un petit monde hors normes, depuis l'épicier Bob (Jacques Mathou), pas très net, sa femme Annie (Clémentine Célarié), frustrée et nymphomane, le flic Richard (Vincent Lindon), complètement déjanté, sans parler du dealer paumé (Dominique Pinon) et de l'éboueur matelas-phobe. Les comportements souvent loufoques de chacun de ces protagonistes apparaissent en contrepoint du drame déchirant sur lequel se termine le film, donnant au couple une destinée mythique dans la lignée des grands amours impossibles de la littérature et du cinéma.

Le succès du film, et le fait qu'il accroche malgré l'invraisemblance des situations tient beaucoup à l'alchimie parfaite entre Jean-Hugues Anglade et Béatrice Dalle, dont l'amour à l'écran est transcendé par la manière de filmer de Beineix, moderne et créative, privilégiant souvent l'esthétisme de l'image à la rigueur de la narration. La photographie est en effet magnifique, avec de nombreuses trouvailles sur le plan des cadrages, de très beaux jeux de couleurs et de lumières, le tout rehaussé par la musique attachante de Gabriel Yared. Tout cela aide à passer les quelques rares longueurs du film, et dans l'ensemble, les trois heures de visionnage passent sans s'en apercevoir, pour laisser le spectateur bouleversé après un final éprouvant. Béatrice Dalle, qui porte tout le film, est à la fois lumineuse et sombre, vulgaire et émouvante, exubérante et tourmentée, et l'actrice a reconnu plus tard avoir eu du mal à ne pas s'identifier à son personnage pendant le tournage, qui fut en conséquence très difficile pour elle, alors qu'elle débutait au cinéma. Jean-Hugues Anglade, bien que Zorg soit moins excessif que Betty dans ses comportements, est également inoubliable dans un rôle en fait tout aussi exigeant que celui de sa partenaire. On soulignera également la spontanéité remarquable de tous les seconds rôles, qui participent à donner à ce film intense son atmosphère si particulière.

On a souvent reproché à "37°2 le matin" son caractère subversif et une certaine complaisance, surtout ressentis par ceux qui n'ont pas vraiment réussi à pénétrer dans l'histoire, ce que l'on conçoit aisément à cause de son caractère extrême, un peu "dingue", encore plus marqué sur la version initiale sortie en salles en 1986 et présentée sur un deuxième disque. Paradoxalement, le montage initial ne paraît pas beaucoup plus court que la version de 1991, car certaines ellipses narratives empêchent de se captiver de la même manière pour les personnages. Les différences entre les deux versions sont en partie explicitées par les commentaires du réalisateur en bonus de la version dite intégrale, la seule qu'il revendique aujourd'hui. Les caractéristiques techniques des deux versions présentées sont quant à elles identiques

 
37°2 le matin - Edition spéciale / 2 DVD