Ce "Bruiser", longtemps resté invisible à la suite de démêlés financiers, marqua le retour de George A. Romero derrière la caméra après plusieurs années d'absence, pour un résultat plus que mitigé, en partie à cause de son histoire trop classique. En effet, le script nous présente un homme presque ordinaire, effacé, pour qui tout va mal : il est berné financièrement par son meilleur ami, trompé par sa femme ( avec son patron, un rédacteur en chef excentrique d'une revue de mode ), volé par sa femme de ménage, alors qu'il se tue au travail pour espérer payer sa maison. Et un matin, il découvre qu'il n'a plus de visage, seulement un masque blanc qui va le décomplexer et lui permettre de se venger de son entourage. Et si le réalisateur excelle dans sa dénonciation extrémiste d'une certaine Amérique néo-bourgeoise et obsédée aussi bien par l'argent, le sexe facile ou encore la soif de pouvoir, il se plante largement dans la représentation de la revanche de cet homme bafoué. Car si les premières visions oniriques du personnage principal, annonciatrices de sa folie à venir, sont très visuelles et expansives, les différents meurtres sont vite expédiés, ne parvenant que rarement à créer un petit suspense ( celui de la femme de ménage, alors que l'on ne sait pas encore comment les autres voient le visage du "héros" ) et flirtant péniblement avec le ridicule lors du final, minimaliste et d'une retenue indigne du réalisateur, même si le bal masqué est prétexte à un bon délire visuel, pimenté par la présence du groupe punk légendaire, "The Misfits". Quant à cette histoire de masque reflétant la personnalité, elle aurait plutôt tendance à faire sourire ironiquement plutôt qu'à inspirer la crainte ou créer une quelconque tension et ne parvient en aucun cas à donner une nouvelle dimension au vengeur ( dont le look final rappelle étrangement celui du "Darkman", les brûlures en moins ), sa transformation passée. Par contre, on sent bien que le réalisateur s'est amusé avec le personnage joué par Peter Stormare, tout en exagération et en caricature hallucinée, qui arrive sans aucun mal à voler la vedette à un Jason Flemyng au jeu trop neutre et peu convaincant. Au niveau de la mise en scène, George A. Romero sauve les meubles, malgré une caméra statique et des effets trop rares, grâce à un bon découpage du film, qui garde un rythme constant dans l'action. Donc, ce "Bruiser" se laisse voir, sans ennui, mais sans provoquer l'enthousiasme habituel des autres oeuvres de ce réalisateur !
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