Avec "Le crocodile de la mort", Tobe Hooper, l'homme de "Massacre à la tronçonneuse", récidive dans sa présentation de dégénérés de l'Amérique profonde, sauf qu'ici il met en scène un seul "vrai" psychopathe.
En effet, le script nous propose de faire la connaissance du gérant d'un petit motel perdu ( dans un détournement volontaire du "Psychose" d'Hitchcock ), propriétaire du crocodile du titre, qui réservera un sort funeste à ses clients de passage. Et si le réalisateur axe principalement son film sur la personnalité de son meurtrier, insistant jusqu'à le rendre presque sympathique, ou tout du moins jusqu'à nous faire ressentir de la pitié pour lui et nous faire souhaiter que les choses s'arrangent pour lui, et ce malgré les atrocités commises, la galerie de protagonistes présente dans le métrage accumule elle aussi les dysfonctionnements ( en particulier le couple avec la fillette ), renouvelant ainsi le regard critique, très second degré, porté par l'auteur sur ses concitoyens, ruraux ou non. Mais cela n'empêche nullement le métrage de se laisser aller à de terribles accès de violence et de brutalité, le gérant n'hésitant pas à se servir d'une faux ou de ce qui lui tombe sous la main pour maltraiter ses victimes, quand il ne les course pas dans le bayou environnant couvert de brume, lors d'une splendide séquence bien stressante, tout en préservant un environnement glauque et délabré adéquat. Et on voit bien que c'est cette partie du film qui a intéressé Tobe Hooper, avec des scènes hystériques et furieuses, pleines de cris et de hurlements, renvoyant directement à son chef d'oeuvre antérieur, car finalement, le crocodile ( élément obligatoire pour surfer sur la vague post "Dents de la mer" ), en plus de ne bénéficier que d'un temps de présence à l'écran très restreint, ne sert finalement que d'accessoire pour finir le "travail" et se débarrasser des corps, mis à part une attaque surprise bien sentie. Et cette fois-ci, les crimes sont représentés graphiquement, mais tout en laissant une part d'imagination active ( la mort abominable de Mel Ferrer ). L'auteur parvient sans mal à donner à son film un rythme conséquent et constant, porteur d'une tension sourde et omniprésente ( le spectateur ne sachant jamais quand à quel moment le "héros" va péter les plombs ) et sait agrémenter l'ensemble d'un suspense apposé par petites touches, plus qu'efficace. La photographie du métrage, parfois très crue, parfois jaunie, vient parachever la création d'un climat malsain des plus sordides. L'interprétation, si elle repose en grande partie sur Neville Brand, diablement crédible, permet de retrouver plusieurs figures emblématiques du genre, notamment Robert Englund dans un de ses premiers rôles importants, Mel Ferrer, toujours aussi impeccable et Marilyn Burns, dans un rôle moins hurlant puisque cette fois-ci, elle sera bâillonnée pendant une bonne partie du film. Les effets spéciaux sont réalistes dans leur côté sanglant, mais heureusement que le crocodile reste peu visible. Donc, ce "Crocodile de la mort", oeuvre plutôt méconnue du réalisateur, mérite largement que l'on s'y attarde, aussi bien pour sa violence expressive que pour son second degré très jouissif !
|