CRITIQUE DVD

Film imparfait et parfois frustrant, La guerre des mondes n’en reste pas moins une grande œuvre de cinéma traversée par des morceaux de bravoure inoubliables. Plutôt que de jouer la carte du spectaculaire outrancier comme peut le faire Roland Emmerich sur ID 4 ou Le jour d’après, Spielberg s’inspire du classique de Wells pour mettre en scène un film catastrophe SF représentant des tableaux apocalyptiques saisissants. Il faut dire qu’il est parfaitement secondé par des effets spéciaux absolument formidables qui intègrent à merveille maquettes, prises de vue réelles et images de synthèse. Contrairement à George Lucas, Spielberg n’utilise pas bêtement et systématiquement le numérique pour en mettre plein les yeux. « Cette intelligence de l’effet spécial » si je puis me permettre cette expression fait partie intégrante d’un film à la mise en scène redoutablement bien pensée. Ainsi, le réveil du premier tripode constitue un classique instantané grâce à des effets époustouflants, un plan séquence magistral et une cruauté inattendue dans la vision de ses corps vaporisés par les lasers des tripodes.

En parallèle de cette invasion spectaculaire, l’intrigue de La guerre des mondes est construite sur un canevas très Spielbergien où un père (interprété avec conviction par Tom Cruise) doit affronter tous les dangers pour sauver ses enfants du massacre. Cette partie du film tend la joue à tous les clichés mais la classe de l’interprétation et la sobriété du script empêche tout dérapage. De toute façon, le périple des personnages ne leur laissera guère le temps de sombrer dans la mièvrerie type sitcom. Encore mieux : au patriotisme facile et à la glorification héroïque attendue, le duo Spielberg-Koepp a préféré substituer une critique assez pertinente d'une Amérique malade de son auto défense et de son égoïsme. Une vraie bonne surprise dans une production de cette dimension. Corps pulvérisés, rivière charriant des centaines de cadavres, Tom Cruise recouvert des cendres de ses voisins, voilà l'apocalypse selon Steven Spielberg qui signe un film aussi spectaculaire que personnel en réinjectant son style si particulier fait du réalisme à la Il faut sauver le soldat Ryan en passant par un sens du merveilleux éprouvé.

Les tripodes, l’herbe rouge, le rayon ardent, l’impuissance de l’armée, la fuite éperdue, le huis clos terrorisant, tous ces éléments du livre sont repris et modernisés par un Spielberg en grande forme. Certes, la conclusion est frustrante mais elle est fidèle au roman (attention SPOILER) jusque dans le retour miraculeux du fils prodigue (fin SPOILER). Rappelons que dans le livre, le héros retrouve sa femme contre toute attente. Elle est la seule survivante d’une ville entièrement dévastée par un tripode. Spielberg ne fait que reprendre ce happy end et l’épilogue du roman en voix off… franchement, j’ai été surpris par la violence des attaques contre ce film la plupart du temps par des gens qui n’ont pas lu le bouquin d’H.G Wells.

Une excellente image dans l'ensemble qui présente un grain pellicule bien spécifique aux volontés du directeur de la photographie : Janusz Kaminski. Cette granulosité typée 35 MM permet une meilleure incrustation des nombreux effets numériques et renforce le côté réaliste du film. On est donc loin des pressages numériques excessivement lisses qui donnent une image froide et aseptisée.

De plus, l'étalonnage si particulier de la photo est bien mis en valeur. Ainsi, les premières scènes du film, volontairement surexposées afin de contraster avec le début de l'attaque des tripodes et son image sombre et menaçante, respecte à la lettre les intentions du réalisateur.

Très bons contrastes et très bonne définition. Très peu de défauts de pellicule (quelques minuscules points blancs). Un pressage de grande qualité que seule une édition Blue ray ou HD dvd pourra un jour surpasser.

Au cinéma, La guerre des mondes gagnait vraiment à être vue sur un écran géant et dans une salle équipée en son numérique (Dolby Digital ou DTS). En VO et en Belgique, le film a même été exploité en SDDS dans les salles équipées avec un résultat délirant.

Basses destructrices (le rayon laser des tripodes risque de mettre à l'épreuve de nombreux caissons de basse), effets surrounds tonitruands, stéréo frontale délirante (guettez la scène où le camion citerne s'écrase sur la maison de Tom Cruise avant d'exploser dans un tonnerre de grave) : tout y est. Seule la voix centrale parait un peu en retrait sur quelques passages. Ainsi, dans la scène de la cave, les personnages murmurent beaucoup ce qui oblige parfois à augmenter le volume pour pleinement comprendre chaque dialogue.

Malheureusement cette édition zone 2 accorde le privilège de la piste DTS à la version française ce que l'on peut parfaitement regretter. On gagne en dynamisme ce que l'on perd en subtilité d'interprétation. Même si le doublage est correct, la VF n'évite pas le ridicule, en témoigne cette remarque de Tom Cruise à la vue de l'orage électromagnétique : "On dirait le 14 juillet." Au coeur du New Jersey, cette traduction du "It's like fourth july" parait bien grotesque même si ce n'est qu'un détail isolé.

Dans l'ensemble, des mixages sonores très spectaculaires : une véritable démo de home cinema.

Cette édition collector -malgré quelques frustrations- devraient satisfaire les fans du travail de Steven Spielberg. De la pré-visualisation à la post-production, toutes les étapes de l'élaboration d'un blockbuster comme War of the worlds sont abordées avec intelligence par des interventions pertinentes :

- Plusieurs petits documentaires sur l'oeuvre d'H.G Wells et la première adaptation cinématographique du roman dans les années 50.
- Un court reportage sur les personnages et leur psychologie (guère captivant puisque tout est dans le film et n'a pas besoin d'être explicité).
- Un vrai making of de plus de 90 minutes divisé en plusieurs parties selon les lieux de tournage.
- Un autre reportage sur l'élaboration des tripodes et de la bande originale du film.

Manque à l'appel : les storyboards du zone 1 et les multiples bandes annonces du film dont le premier trailer constitué d'images entièrement inédites car réalisé avant même la fin du tournage du film.

Le splendide packaging du zone 1 (un digipack + fourreau merveilleusement illustré) a mystérieusement disparu en zone 2. On doit se contenter d'un simple boitier amaray. Les jolies sérigraphies ne peuvent pas compenser notre déception...

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