Clint Easwood s'attaque au film de boxe, genre américain par excellence et y imprime sa patte. La liste est longue des cinéastes hollywoodiens(Scorcese, Mann,Huston,Wise...) qui ont filmés le ring, son puits de lumière, son corps à corps et ce suspense où le destin frappe souvent fort et pas toujours dans les règles. Vingt-cinq ans après avoir touché à la boxe dans deux pochades où il incarnait un pugiliste à poings nu qui gagnait sa croùte en corrigeant des brutes épaisses, Eastwood y revient avec un film très pur,juste, maitrisé, crépusculaire, dans la lignée d'"Impitoyable" et de "Mystic river". Il s'agit ici d'une boxeuse, Maggie, 31 ans, issue d'une famille ignoble et d'un bled perdue dans l'amérique profonde. Serveuse de jour, mais boxeuse dans l'âme, son paradis est une vieille salle de boxe qui sent la sueur et où des durs au mal rêve de grande carrière en tappant sur des sacs. Le patron de la salle, Frankie, est aussi un ancien manager, solitaire et mysogine depuis que sa fille est partie sans laisser d'adresse. Et enfin Eddie, vieux complice de Frankie, ex-boxeur léssivé par les coups reçus qui lui ont couté un oeil, mais qui y voit encore assez pour repérer la hargne d'une jeune boxeuse : Maggie. Ces trois-là s'observent et se jaugent. Finalement Frankie épaté, cède au forcing de Maggie et accepte de devenir son manager. La demoiselle se cherche un père qui a perdu une fille. Mais Eastwood n'est pas un expansif. Chez lui la tendresse se joue à fleurets mouchetés, voilée d'une dureté de bon aloi. Puis le drame surgit au cour d'un ultime combat, Maggie est victime d'un mauvais coup que Frankie n'a pas vu venir. Maggie est paralysée. Et Frankie est foudroyé. Paradoxe : avec cette chute, le film trouve son second souffle, monte en puissance et comme "Raging bull" transcende la boxe. Ici, le dernier tiers dépouille jusqu'à l'os la relation désespérée entre un vieux pygmalion dévoré de culpabilité et son égérie brisée. A bien des égards, "Million Dollar Baby" est l'anti "Rocky" : un film qui ne roule pas des mécaniques, où la marche triomphale de la championne cède le pas à un requiem sobre et bouleversant. Après avoir accompli un dernier geste pour Maggie, Clint Eastwood se matérialise dans une lumière blafarde "entre nulle part et adieu" pour l'ultime image du film. Il nous impressionne d'autant plus que l'on pressent que c'est peut etre la dernière apparition du bonhomme sur grand écran. L'uppercut d'Eastwood nous frappe en plein coeur et nous met KO. Pour le compte.
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