En adaptant un roman de James Hadley Chase, le réalisateur français Julien Duvivier signe ici l'un des ses films les plus achevés au regard du genre qu'il représente : le film noir.
Le scénario est en effet un modèle du genre et répond parfaitement aux codes narratifs de ce type de film : manipulation (qui fait quoi et pour quelle raison), poids de l'environnement sur les personnages, fatalité sombre qui s'abat sur eux, irréfragabilité du mauvais sort, etc... tout est réuni pour que le réalisateur nous livre une histoire de choix, un film référence.
Pour nous conter ce malheur et faire en sorte que l'intérêt du spectateur soit constamment en éveil, Julien Duvivier n'hésite pas à nous embarquer dans une direction, puis dans une autre, donnant par là même une grande étoffe à ses personnages : ainsi, le personnage de Daniel, taulard en cavale apparaît-il finalement comme quelqu'un frappé par le malheur, qui ne conduit pas sa vie, mais la subit, l'obligeant du même coup à s'adapter, à faire avec, tant il est à chaque fois "borderline" au regard de la vie qu'au fond de lui il aimerait mener.
Un film noir par ailleurs, ne serait rien sans la Garce de service, la courtisane, l'intrigante, la manipulatrice, celle qui se sert des hommes tel un "puppet master". Chair de poule, nous offre avec le personnage de Maria ce qui se fait de mieux en la matière : ce personnage est véritablement le moteur du film puisque la plupart des renversements scénaristiques lui sont imputables. Enfin, tous les autres personnages sont aussi bien approfondis (notamment Paul, l'ami de Daniel) et se mettent au service d'une seule et même cause : tisser petit à petit une athmosphère de malheur absolu.
Bref, vous m'avez compris, Chair de poule est un film français qui malgré son décor provençal se la joue à l'américaine : d'un pessimisme profond et d'une noirceur absolue, il est un vrai hommage de ce réalisateur français à ce qui s'est fait de mieux dans les années 30-40 aux Etats Unis. Pour le casting, on notera surtout l'excellente performance de la jeune Catherine Rouvel (qui avait joué dans Le déjeuner sur l'herbe de Renoir auparavant, ce qui n'est pas rien) dans ce rôle de Garce absolue et bien sur le parfait Robert Hossein victime de ses tourments.
Un film français assez méconnu à (re)découvrir...vraiment !
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