Datant de 1932, ce film, même si pour certains apparaît comme un peu vieillot, permet à son réalisateur, le grand Jean Renoir de faire passer un message assez critique et sarcastique sur les moeurs petit bourgeois de son époque. C'est tout le talent de ce réalisateur d'ailleurs : il prend un personnage anachronique (un clochard), le place dans un contexte qui n'est pas le sien (une maison bourgeoise), en tire un effet comique (de situation et de dialogues) et se sert de cet effet comique pour faire une critique acerbe de ce que l'on pourrait appeler "les bien-pensants".
En effet, Jean Renoir plutôt que de signer une pochade vulgaire se sert de son personnage comme d'un observateur, d'un homme qui met le doigt sur notre façon de penser, parfois anachronique, du fait qu'elle ne voit plus les choses simples. Boudu est à lui tout seul une façon de voir les choses, une philosophie, savoureux mélange d'hédonisme et de curiosité, dépourvue de méchanceté et d'arrière-pensée malveillante.
A la sortie du film certains spectateurs trouvèrent choquant de voir Boudu s'essuyer les chaussures pleines de boue sur des draps en satin....par contre ils ne furent pas choqués de voir un mari qui couche avec sa bonne et une femme qui couche avec un clochard....Jean Renoir avait réussi son pari : critiquer la "bonne" société française sous le vernis de la comédie et peu de gens le comprirent à l'époque.
Quelques mots enfin de ce merveilleux comédien qu'était Michel Simon : il porte le film à lui tout seul et ce personnage atypique lui va comme un gant : jeu d'acteur totalement naturel, pas d'exagération dans le phrasé....il rend Boudu plus vrai que nature. Quand je vois le remake récent que nous propose le cinéma français, je ne peux m'empêcher de penser à ces quelques mots d'Audiard : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît". A la limite, tapez vous la version US avec Nick Nolte, Richard Dreyfuss et Bette Midler : le parti pris était plus sain, il s'agissait d'utiliser la trame de Boudu pour en faire une pure comédie plutôt que d'essayer de faire du cinéma vulgaire sous prétexte d'actualisation d'une comédie de moeurs un peu ancienne.
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