Prenez comme postulat de départ le même que celui de « sixième sens » mais inversez par contre le point de vue : prenez celui des fantômes. Il est vrai qu’en disant cela, j’explique la fin du film mais c’est par là que je voulais commencer car c’est véritablement ça qui fait la force de ce chef d’œuvre. Tout nous pousse à croire tout au long du film qu’il y a une force maléfique dans ce manoir alors que cette soi disante force n’est que la présence d’une famille décédée dans des conditions dramatiques ….autre point intéressant . Il est rare dans le cinéma hollywoodien que l’héroïne soit une mère de famille ayant, sur un accès de folie, assassiné ses deux enfants puis s’est donné la mort. Ajoutez à cela une pincée de mystère autour de la photosensibilité des gones, obligeant les habitants à circuler pour la plupart du temps dans le noir et vous obtenez un scénario des plus haletant et des plus surprenant qu’on ait vu ses dernières années. Le fait que tout ne soit pas expliqué (la venue du père alors que la mère essaye de sortir de la propriété, la cohabitation du monde des morts et des vivants…) accentue tout ce qui a été dit.
Autre point à souligner, c’est l’athéisme dans lequel baigne le film. Si la mère (Nicole Kidman) est ultra croyante (on pourrait presque dire grenouille de bénitier), ce sont ses enfants qui vont remettre en cause tous ses croyances grâce à leur soif de comprendre et leur perspicacité sans pour autant les hausser au rang de génie ou d’hyper maturité (comme il est fréquent de voir chez les amerloques (Hypnose, Le cercle). La fin d’ailleurs est un véritable bouleversement des écrits bibliques (le monde des morts cohabiterait en permanence avec celui des vivants). C’est ce qui fait que ce film est plus proche de la philosophie de Beetlejuice que de celui du sixième sens ou de ring (où la pensée commune veut que les fantômes n’existent que si les personnes sont mortes sans avoir compris pourquoi et qu’elles font appel à certains vivants pour les aider à comprendre ou venger leur décès).
Ceci dit, les qualités du film ne s’arrêtent pas à cela. La mise en scène est véritablement renversante avec des mouvements de caméras hyper complexes mais loin du tape à l’œil nerveux de beaucoup de films contemporains : les mouvements circulaires telle une orbite oblique autour de Nicole Kidman dans l’escalier, les suivis dans le parc….c’est véritablement spectaculaire de douceur et cette douceur ne fait que renforcer l’oppression que le spectateur à la vision du film. N’allez cependant pas imaginer que ce film est mou, bien au contraire : dans les moments de sursaut, la machine sait se mettre en branle pour nous tenir en haleine et nous emmener jusqu’à l’effroi…je pense notamment à la scène du grenier ou Nicole Kidman entend des voix et est prise d’un mouvement de panique.
La photographie n’est pas en reste est rend l’ambiance encore plus angoissante grâce à un éclairage à la lampe à l’huile justifié par le fait que les enfants doivent vivre dans la pénombre. Cette lumière se limite à éclairer le principal de l’image et laisse le reste dans le noir complet, rendant les pièces où se trouvent les protagonistes encore plus mystérieuses et d’où pourrait surgir n’importe quoi. Prenez par exemple le tableau à 36’30 : l’éclairage nous fait véritablement croire qu’il s’agit d’un personnage se cachant dans l’obscurité.
Les rares scènes de « plein jour » ou d’extérieure ne sont pas en reste côté ambiance avec des tons grisâtres et surtout un brouillard tellement dense qu’il ferait presque penser aux fumées de l’enfer (dont parlent beaucoup la famille).
Intéressons nous maintenant aux acteurs. Je crois pas que Nicole Kidman ait bénéficié d’un aussi bon rôle (il faut dire que d’habitude je ne la supporte pas). Ici, seuls sa silhouette (et non ses formes) ainsi que son visage dur et sévère sont mis en valeur et ainsi, sont jeu s’en retrouve largement renforcé. Elle incarne parfaitement ces femmes de la bourgeoisie, très guindée mais hystérique, soi disante ouverte et cultivée mais complètement engoncées dans une croyance catholique forte.
Les enfants sont eux aussi impeccables. Le petit garçon au visage cependant si paisible est vraiment le vecteur de la peur et la fille malgré son air angélique est capable de rentrer dans des colères monstres vraiment crédible. Toutes leurs mimiques sont accentués par la qualité de l’éclairage décrit plus haut : un regard très sombre avec des traits hyper soulignés quand la fille s’énerve après sa mère….
Le groupe de serviteurs est quant à eux d’une sobriété sans égale et leur attitude mystérieuse ainsi que leurs vêtements (mention spéciale à l’équipe de costumières qui a vraiment su recréer l’époque) sont quant à eux la source de l’inquiétude qui traverse littéralement tout le film..
Pour finir, comment ne pas parler de la musique (écrite par le réalisateur lui-même), à la fois doucereuse et grinçante, s’adaptant à chaque instant au « pouls » du film et transcendant ainsi l’ambiance électrique. Formidable travail aussi sur les sons et les bruits d’ambiance.
En conclusion ce film est le plus formidable film fantastique de ce début de siècle (juste devant Sixième sens et Hypnose), tout y est vraiment maîtrisé avec le plus grand art (mise en scène, acteurs, suspense…) et toute l’intrigue est révélée avec parcimonie et le minimum possible. A voir et à revoir, à faire découvrir à ses amis, à visionner seul ou en groupe…..un petit bijou.
|