Lors de sa sortie en 1995, La haine fit l'effet d'un électrochoc. Presque 10 ans après sa sortie, avec un peu plus de recul, on se rend compte que le film de Mathieu Kassovitz est toujours aussi fort car la société dans laquelle nous vivons n'a pas beaucoup changée (toujours cette violence idiote et aveugle, toujours ce racisme latent, toujours cette insécurité préoccupante). Dans les banlieues gangrénées par les gangs, le trafic de drogue, le chômage et le manque d'avenir, les jeunes sont désemparés, ce que le film nous montre bien (ils s'ennuient, dégradent des bâtiments, insultent des gens...). En quelque sorte, La haine peut être considéré comme un documentaire sur une banlieue française, et ce côté documentaire est accentué par le choix du noir et blanc, le relatif anonymat des comédiens (Vincent Cassel, à l'aube de la carrière que l'on sait, Saïd Taghmaoui, Hubert Koundé) et le côté improvisation de certaines scènes. De par ces choix osés, le film n'en est que plus marquant.
Il est vrai que le scénario n'est pas des plus travaillés (le film ressemble plus à une suite de petites scènes de la vie quotidiennes de ces jeunes) mais certaines sont excellentes (le générique avec des images réelles d'émeutes sur une musique de Bob Marley), voire effarantes (l'interrogatoire au commissariat) et ces scènes accentuent le malaise: fiction ou réalité?
En tout cas, La haine est un film essentiel, une oeuvre rare et puissante, même si la surmédiatisation du film lors de sa sortie (gros titres dans les journaux, prix à Cannes, César du meilleur film) à quelque peu desservi le film et tentée d'adoucir le propos.
|