Il s’agit d’une nouvelle édition due à Studio Canal qui améliore nettement la précédente réalisée par Film-Office. C’est, bien sûr, celle de Studio qu’il faut, désormais, se procurer. Soyez vigilant et regardez la nouvelle jaquette !
Melville réunit, en 1970, une distribution de rêve (Alain Delon, Bourvil, Yves Montand, François Périer et Gian Maria Volont ) pour une histoire réduite à sa plus simple expression : un truand s’évade, est aidé dans sa fuite par un autre truand. Pendant que la police est à leur recherche, ils mettent au point le cambriolage d’une bijouterie avec l’aide d’un ancien policier, tireur d’élite.
Le titre choisi, « Le Cercle rouge », s’explique par une citation empruntée à Boudha : « Quand des hommes, même s’ils s’ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d’entre eux, et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inexorablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.
Ce « titre citation » définit parfaitement un film où décors, personnages et comportements tournent autour du thème central de l’enfermement pour dessiner un destin qui ressemble à une tragique fatalité : c’est, en effet, un jeu du chat et de la souris ou, plus gravement, un jeu d’échecs et mat, c’est-à-dire de vie et de mort qui se déroule à l’écran entre les truands et les flics.
Les personnages n’ont pas de passé connu (sauf Jansen-Montand dont on sait qu’il est un ancien flic alcoolique) ni d’avenir défini. Leurs sentiments sont par ailleurs rares et souvent négatifs : solitude, claustration, cupidité, traîtrise, méfiance. Comme en écho à cette intériorité « vide », neige, pluie, boue salissent un espace extérieur très souvent nu (des paysages d’hiver désolés), fermé, voire oppressant (cf. le papier peint à rayures verticales de la chambre de Jansen qui l’enferme aussi sûrement que les barreaux d’une prison) ; de même, le soleil s'est absenté du film qui se déroule souvent la nuit. Ces décors, qui révèlent un parti-pris du réalisateur, sont autant d’indices pour traduire le mal-être de personnages montrés dans leur seul comportement, à travers leurs gestes, leurs regards, leurs mouvements ou leurs actes. Car les dialogues sont rares et brefs. Autrement dit, c’est la mise en scène – et la direction d’acteur – qui, saisissant les personnages de l’extérieur, nous interdit l’approche psychologique traditionnelle.
Melville nous propose, en effet, des personnages peu humanisés pris dans un univers glacial. Le seul geste « humain » du film est celui d’une hôtesse de boîte de nuit qui offre une rose à Delon mais ce n’est qu’un geste sans effet car la femme - et l’amour – sont exclus d’un film exclusivement « viril ». Cette absence d’humanité se révèle dans la référence insistante aux animaux que ce soit à propos des chats dont s’occupent affectueusement le commissaire Mattei-Bourvil, ou des insectes qui hantent les cauchemars éprouvants de Jansen.
Le film s’inscrit dans une véritable épure, propose une sorte d’abstraction sur les êtres, comme si les personnages montrés, depuis longtemps amers et désabusés, avaient abandonné leur part d’humanité pour ne plus conserver que l’animalité de leur instinct de survie.
Ce « cercle » les enferme une première fois lors de l’un des plus longs casses du cinéma : ils sont alors même présentés – toujours aussi instinctifs et peu humains – comme des « machines » appliquées, minutieuses, précises. Avant de se refermer une seconde et dernière fois à la toute fin du film.
On pourrait alors, en guise d’exergue, rappeler le jugement du commissaire Santi-Périer : « Il n’y a pas d’innocent. Les hommes sont coupables. » -« Même un policier ? », lui objecte Mattei. « Tous les hommes. Tous coupables. »
« Le Cercle rouge » s’est refermé…
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