De nombreux réalisateurs et artistes ont tenté de comprendre le génocide juif opéré par les nazis. Beaucoup en ont retiré des oeuvres tétanisantes. Pour le cinéma, citons bien sûr La liste de Schindler, pour la littérature le bouleversant livre de Primo Lévy Et si c'est un homme ? Derrière ces oeuvres se dresse l'immense défi de filmer l'inflimable et d'exprimer l'ineffable. Car le massacre des juifs par l'armée allemande est effectivement un acte d'une barbarie horriblement répugnante et misérable. A une époque où l'extrême droite s'immisce dans le deuxième tour d'une élection présidentielle, il est bon de rappeler que la shoa n'est pas un détail de l'Histoire. Loin de là.
Le film de Polanski est en cela indispensable. Toutefois, plutôt que de traiter le sujet sur un ton outrageusement mélodramatique (eh dieu sait qu'il y a matière), Polanski se focalise sur son personnage principal avec une rigueur de cinéaste qui force le respect. Walter Szpilman, pianiste génial et accésoirement juif, vit paisiblement avec sa famille en Pologne. Le détail jurant dans ce beau tableau est la date : 1939, à la veille d'une très sombre période de l'histoire pour bien des peuples. Au cours du périple de Szpilman (remarquablement interprété par Adrian Brody), Polanski montre comment un homme va survivre par amour de l'Art. Sans violon mais avec une sécheresse implaquable, la mise en scène ne nous épargne aucune horreur. Cette absence apparente d'émotion dans le métrage (peu de musique, d'effets de caméras ou plus généralement d'effets de style) peut paraitre surprenante. Elle est en fait au service d'un film d'une incroyable sobriété. Car, en effet, au vue du drame qui se joue ici, pas besoin d'en rajouter. Il suffit de filmer et c'est une chose que Polanski fait bien. Aux antipodes des figures héroiques hollywoodiennes (szpilman est le plus souvent passif et doit disparaitre pour pouvoir survivre), Le pianiste nous offre une spectacle horrifiant pour l'âme tout en délivrant un message d'espoir fondamentalement optimiste. Car même dans les instants les plus tragiques, le bien peut pointer son nez à l'image des personnages aidant le pianiste.
Emouvant, poignant, souvent bouleversant, le film est un hommage vibrant aux victimes de la folie humaine. Mais sous ces messages, il serait injuste de ne pas parler des prouesses techniques du métrage à la fois film d'auteur et grande production. Polanski a réussit son pari : il signe là son plus beau film, son chef-d'oeuvre.
Et ça non plus, ce n'est pas un détail.
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