On aurait pu craindre un traitement simpliste du problème, "à l'américaine" pourrait-on dire, en oubliant que le cinéma américain ne se réduit heureusement pas aux standards Hollywoodiens.
On se trouve en fait devant des personnages complexes, doués d'une réelle existence, de caractères fouillés, servis par des acteurs qui nous font comprendre que rien n'est simple et que s'il est intellectuellement confortable de coller des étiquettes sur ces personnages, plus nous avançons dans le scénario plus nous découvrons que leur évolution ne peut être expliquée par cette seule étiquette.
Rarement un film aura pu, sans schématisme stupide, nous faire voir "de l'intérieur" la genèse et la contagion du fascisme ordinaire.
Bien sûr on n'échappe pas à la mystique de la Rédemption, mais elle est là autant pour nous rappeler que nous sommes tous susceptibles de changer, en bien comme en mal, que pour permettre ensuite le démontage de la mécanique d'endoctrinement lorsque Derek va lutter pour tirer son frère du chemin sur lequel il est déjà engagé.
Quant à cette capacité à changer elle est une condamnation sans appel du système judiciaire et carcéral américain (entre autres) et donc aussi et particulièrement de la peine de mort, détail à ne pas perdre de vue pour un film américain.
Ce film témoigne aussi de l'implacable liaison entre la situation sociale d'une population et les idéologies qui la parcourent.
Il témoigne aussi de l'existence d'individus que leur soif de pouvoir, alliée à l'inculture politique de leurs victimes, transforme en gourous pour qui toute remise en question est une hérésie qui justifie le recours à tous les expédients pour ramener dans le droit chemin ou éliminer les déviants.
On pense là à toutes les religions de l'histoire humaine, religion étant pris au sens le plus large, qu'elle soit celle d'un dieu forgé de toutes pièces ou d'un "Petit Père des Peuples", Duce, Führer, Conducator, Grand Timonier, voire même d'un "Tonton" dont il n'est pas question de remettre en cause le mythe sous peine d'excommunication.
Par le personnage du professeur, noir faut-il le souligner, il met aussi l'accent sur l'absolue nécessité de l'éducation pour lutter contre la montée des intolérances de tout poil, sur l'inanité de tout "cathéchisme" qui ne fait appel qu'à la morale plutôt qu'à la raison.
On sait que la morale dominante est toujours celle de la classe sociale dominante et qu'elle peut donc changer au gré des soubresauts de l'histoire.
La raison, elle, est toujours la raison, c'est-à-dire l'exercice de la capacité d'analyse et de critique qui distingue l'homme de la brute imbécile et souvent galonnée.
|