Deux films de Kathryn Bigelow sortent simultanément en dvd : l’un («Le Poids de l’eau» 2000, chroniqué ici même) et l’autre («K-19 : le piège des profondeurs» 2002) rompent avec le cinéma d’action qui était le sien jusque-là.
«K-19» se déroule au moment de la guerre froide (années 1960) entre l’Union soviétique et les Etats-Unis et rapporte un drame réel qui eut pour personnage principal le premier sous-marin nucléaire soviétique.
Au début du film, alors même que l’appareil est construction, plusieurs dysfonctionnements valent au capitaine Mikhael Polenin (Liam Neeson) d’être destitué au profit du capitaine Alexi Vostrikov (Harrison Ford), homme à poigne, dont il devient l’adjoint.
Le voyage inaugural se déroule enfin mais, non loin des côtes américaines, le réacteur nucléaire, suite à une fuite du système de refroidissement, monte en température, contamine le sous-marin et risque d’exploser, ce qui pourrait persuader les Etats-Unis qu’ils sont attaqués et les pousser à déclencher des représailles nucléaires contre l’Union soviétique : on le voit, l’enjeu est considérable et la tension dans le sous-marin extrême.
Le film insiste sur le huis-clos (les seules vues de l’extérieur sont situées au début et lors de très brèves remontées à l’air libre) dans lequel se joue la tragédie : l’espace est confiné, les membres de l’équipage se gênent dans leurs déplacements et la réalisatrice organise des mouvements de caméra latéraux pour mieux souligner l’absence de profondeur, des travellings avant ou arrière pour préciser l’étroitesse du sous-marin, favorise les gros plans de visages sous tension permanente et ménage savamment les rebondissements de l’action. Elle installe ainsi une atmosphère constamment oppressante, étouffante et angoissante, que l’on ressent quasi physiquement.
A une réalisation en phase avec le propos de son film, Kathryn Bigelow ajoute une bonne maîtrise de la psychologie de ses personnages et, notamment, des rapports entre les deux officiers (et leurs hommes) qui commencent par se jauger, puis s’affrontent violemment sur les mesures à prendre avant de finir par rapprocher leurs points de vue : faut-il privilégier l’être humain ou la patrie ? Ne doit-on pas, quoi qu’il en coûte, sacrifier l’individu au salut de la collectivité ? Ne faut-il pas laisser le don de soi au libre-choix de chacun ?
Kathryn Bigelow réalise en définitive un très bon film qui tire son épingle du jeu dans un genre où la concurrence (« Das Boot » et « U 571 ») place pourtant la barre bien haut.
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