Kapo réalisé par Gillo Pontecorvo se retrouve au coeur d'une vive controverse idéologique. En racontant le quotidien d'un camp de concentration dans l'Allemagne nazie et notamment l'itinéraire (immoral ?) d'une jeune déportée juive qui devient kapo, le réalisateur progressiste italien aborde le sujet de prédilection des cinéphiles de l'après-guerre : la mise en scène de l'horreur nazie.
Avant lui, seul Alain Resnais, dans Nuit et Brouillard, avait brisé le tabou en adoptant une approche documentaire avec voix off.
En 1961, le réalisateur Jacques Rivette s'attaque à l'oeuvre de Gillo Pontecorvo qu'il juge abjecte en dénonçant particulièrement un plan dans lequel le cinéaste effectue un travelling avant sur le cadavre d'Emmanuelle Riva, qui vient de se suicider sur la clôture électrifiée du camp.
Ce point de vue indigné a longtemps marginalisé Kapo qui pâtit, de fait encore, d'une faible (re)connaissance. Si l'approche du réalisateur italien pourrait être considérée comme maladroite, Kapo a le mérite de poser certaines vraies questions comme : jusqu'où peut mener l'instinct de survie, quel espoir d'amour dans un contexte d'enfermement absolu.
Malgré quelques effets mélodramatiques sysceptibles d'être discutés, Kapo et son réalisateur ont eu l'immense mérite d'ouvrir, vis à vis de la Shoah, la voie de l'exorcisme par la fiction, route qu'emprunteront beaucoup plus tatd Steven Spielberg (La Liste de Schindler) et Roberton Benigni (La Vie est belle) dans des styles différents.
Gillo Pontecorvo sera deux fois sélectionné pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère avec la Bataille d'Alger et avec Kapo... Un autre regard sur la Shoah qu'il faut voir le courage de regarder.
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