La sortie en DVD du premier moyen-métrage de Lucile Hadzihalilovic, "La Bouche de Jean-Pierre" chez Badlands, est pour moi l’occasion de me replonger dans son premier long-métrage, "Innocence", un film particulièrement déroutant sur l'enfance.
La cinéaste s'inspire d'une nouvelle de Frank Wedekind intitulée "Mine-Haha, ou l'éducation corporelle des jeunes filles"et nous offre un film étrangement angoissant et dans lequel on est quasiment constamment mal à l'aise, alors qu’il ne s’y passe rien de particulier. En fait, il règne tout au long du film un mystère sur ce curieux pensionnat pour jeunes filles, dont celles-ci ne peuvent sortir avant un certain âge et qui semble évoluer hors du temps, donnant au film une aura fantastique et quasi irréelle. D’ailleurs les demoiselles arrivent dans cette école dans un cercueil, comme si elles ressuscitaient ou qu’elles renaissaient, avant d'être réparties dans des maisons où se trouve une jeune fille de chaque âge, différenciées par des rubans de couleur, les plus âgées ayant à charge de s'occuper des plus petites... Dans cette école, elles n'y apprennent que la danse classique et les sciences naturelles, cours qui leur sont donnés par deux jeunes femmes interprétées par Hélène de Fougerolles ("Fanfan la tulipe", "Les dents de la nuit", "Mutants") et Marion Cotillard ("Furia", "Les jolies choses", "Jeux d'enfants"). La réalisatrice lève petit à petit le voile sur quelques mystères, mais très peu. Dans l’ensemble, le film est plutôt contemplatif, offrant même parfois de longs plans fixes assez déroutants, car on se demande où la cinéaste veut nous mener. Par contre, il faut reconnaître que c'est très beau, très bien filmé et la photographie signée Benoît Debie ("Irréversible", "Vinyan", "Spring Breakers") est comme d'habitude une pure merveille. Et puis, il ne s'y passe pas rien! En effet, une jeune fille va mourir, ce qui donnera lieu d’ailleurs à une cérémonie mortuaire loin de nos coutumes, une autre va s'échapper et l'on ne sera pas ce qu’il est advenu d'elle, mais certains indices ne sont guère encourageants... Et puis on découvrira tout de même certains mystères, renforçant le côté fantastique du film. Les jeunes actrices, toutes non professionnelles, s’en sortent vraiment bien et éclipsent presque la présence des actrices adultes professionnelles, même de nos deux vedettes. Il faut dire que le film est vraiment centré sur les enfants et plus précisément les jeunes filles, car il n’y a pas ni garçons, ni hommes dans cette histoire.
Certains ont vu en ce film une invitation à la pédophilie, mais franchement ces personnes feraient mieux de se poser des questions sur leurs propres pensées, car il n’est question ici que d’innocence! Ce premier film de la compagne de Gaspar Noé est vraiment très beau, mais il en déconcertera plus d’un par sa lenteur et son absence de réponses... Mais déconcerter le spectateur, c'était dans tous les cas, le désir de la réalisatrice!
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