Territoires : 8/10
Pour son premier long-métrage Olivier Abbou ("Madame Hollywood") signe un film de genre original et déroutant, sur fond de message politique. "Territoires" débute comme une sorte de torture porn, où l'on suit le calvaire de quatre jeunes gens kidnappés par de faux douaniers, suite à une fausse interpellation ayant mal tournée. Le réalisateur apporte tout de suite une tension réelle, mais malgré de mauvais traitements, on ne tombera ici jamais dans l'insoutenable. La violence, si elle sera bien présente, sera peu démonstrative et peu sanglante, mais les agresseurs seront tout de même très humiliants apportant ainsi un côté malsain et dérangeant au métrage.
Après s'être intéressé aux victimes, le réalisateur va ensuite se concentrer plus particulièrement sur les kidnappeurs, deux vétérans de la guerre d'Irak, ayant sé(r)vi à Guantánamo; passé qu'ils continuent de revivre en séquestrant des personnes qu'ils soupçonnent de terrorisme. En orientant son film ainsi, Olivier Abbou nous déstabilise une première fois, notamment car il montre les deux agresseurs comme des êtres humains et non comme des monstres et d'autre part, car il s'éloigne du schéma classique auquel on s'attendait... Mais il ne va pas s'arrêter là, puisque le film va ensuite prendre une autre direction en suivant un détective, interprété par le charismatique Stephen Shellen ("Et au milieu coule une rivière", "Bodyguard", "American Gothic"), lancé à la recherche des disparus, éloignant encore plus le spectateur du film d'horreur auquel il s'attendait, apportant d'ailleurs à partir de là, des passages très oniriques.
Enfin, il enfoncera encore le clou avec un final nous laissant dans le doute et sans réelles réponses. Si on est surpris par le déroulement du film, en revanche le scénario est assez classique, mais a le mérite d'inciter à la réflexion.
La mise en scène d'Olivier Abbou est assez originale avec notamment quelques plans vraiment très réussis, très bien filmés, appuyée par une bande son efficace et étonnante (Ah, les scènes finales dans la forêt...) et aidée par l'excellente interprétation des comédiens, tous très bons.
Plus qu'un film d'horreur, "Territoires" est en fait un très bon thriller psychologique, original et intelligent.
Livide : 8/10
Après avoir versés dans le film d'horreur gore et viscéral avec l'excellent "A l'intérieur", Alexandre Bustillo et Julien Maury nous reviennent avec "Livide" un conte fantastique et macabre où ils revisitent avec bonheur le mythe du vampire de façon originale et poétique.
Pourtant, après "Halloween 2" et "Hellraiser", deux projets auxquels les deux frenchies ont été un temps rattachés, on commençait à se demander si les deux compères n'étaient pas victimes d'une malédiction, d'autant plus que pour "Livide", il avait été question qu'il soit tourné au départ en Irlande et au Texas avec notamment comme vedette Elijah Wood...
Le film, heureusement pour nous, se fera bien cette fois, mais en France et avec un casting français plutôt intéressant et inattendu. L'histoire se déroule en Bretagne, terre idéale pour servir de toile de fond à ce conte de par ses légendes fantastiques et c'est d'ailleurs sur des images de la côte bretonne que commence le film avec un très beau générique où l'on découvre rapidement un cadavre enterré dans le sable. Tout de suite le côté fantastique va faire son apparition avec un papillon qui s'échappera de celui-ci. Les deux réalisateurs vont ensuite prendre le temps de bien nous présenter leurs personnages, en prenant soin d'y inclure des éléments inquiétants. Tout semble bien pensé et est remarquablement orchestré. Le film regorge de petits détails, avec des décors très soignés lui donnant un réel cachet (c'est typiquement le style de film qu'il convient de voir plusieurs fois afin d'en apprécier toutes les subtilités!).
On est également immédiatement scotché par la photographie splendide et très travaillée de "Livide", servie par la très belle musique signée par Raphael Gesqua, qui accentuent le côté très onirique du film. L'histoire est plutôt classique au départ, avec ces trois jeunes pénétrant par effraction dans une vieille demeure à la recherche d'un trésor, mais malheureusement pour eux, celle-ci est habitée par des créatures de la nuit qui ne leur veulent pas forcément du bien.
Même s’ils respecteront certaines des caractéristiques des vampires, les réalisateurs vont mettre le mythe des vampires à leur sauce et apporter ainsi une véritable originalité. La violence, bien que bien présente dans leur film, est loin d'être aussi démonstrative que dans leur précédent métrage, mais celui-ci réserve tout de même son lot de scènes chocs, parfois mémorable comme celle du combat entre Lucie et Anna, où la jeune suceuse de sang se déplace d'une façon saccadée peu orthodoxe.
L'interprétation de la jeune Chloé Marcq ("Un baiser papillon"), dans le rôle d'Anna est remarquable, elle impressionne réellement pour son premier rôle important. Autre révélation, celle de Marie-Claude Pietragalla ("Quand je vois le soleil"), véritablement étonnante dans un rôle où on ne l’attendait pas forcément. A côté d'eux, dans les rôles principaux, Chloé Coulloud ("La Tête de maman", "Neuilly sa mère !") et Félix Moati ("LOL - Laughing Out Loud") s'en sortent plutôt bien, même si Chloé Marcq, Marie-Claude Pietragalla, mais aussi Catherine Jacob ("Qui a tué Bambi ?", "Le Coeur à l'ouvrage", "La Vie est un long fleuve tranquille") leur font un peu d'ombre. Catherine Jacob dont la présence est tout à fait inquiétante et assez inattendue, surpasse allégrement Béatrice Dalle ("À l'intérieur", "Trouble Every Day", "37°2 le matin") dont la courte présence sera cette fois anecdotique. Les maquillages des vampires sont vraiment superbes et jouent ici une importance essentielle pour rendre crédible cette histoire fantastique, au final assez complexe, poussant à la réflexion et à la discussion, car les réponses, on ne les aura pas toutes et il convient donc à chacun de faire travailler son imagination.
"Livide" est un œuvre fascinante, belle, troublante et cruelle à la fois, dont les images restent gravées durablement dans notre tête.
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