Réalisé par Yves Boisset en mettant en vedette Lee Marvin, star américaine sur le déclin, ce "Canicule" va trancher dans le paysage du polar français en étant foncièrement atypique, oscillant entre violence et humour noir et en avançant une perversité omniprésente.
Le script va laisser un gangster américain, en fuite après un braquage ayant mal tourné, se retrouver confronté aux habitants d'une ferme perdue en pleine Beauce.
Après une courte introduction suivant un homme courant de plein champ de blé, symbole de la Beauce, le métrage va avancer ce braquage conduit par un américain, Jimmy Cobb, mais qui aura été floué et la police l'attendra de pied ferme devant cette banque de Chartres pour une fusillade sans concession (un gamin se pendra une balle en plein cœur) mais Cobb réussira à prendre la fuite avec le butin du braquage mais en ayant auparavant explosé le fourgon contenant l'argent au bazooka et abattu quelques policiers, pour se retrouver errant avec l'argent dans les champs, tandis qu'un dispositif policier draconien se mettra en place dans le secteur.
Après avoir enfoui le sac contenant les dollars sans se douter qu'il est observé par un gamin, Cobb va aller se cacher dans un des bâtiments de cette ferme isolée, laissant alors le réalisateur nous présenter les habitants de la ferme pour une galerie de personnages énormes et hauts en couleurs avec par exemple cette nymphomane boiteuse, ou encore Horace, cet homme alcoolique et violent qui régnera en maître sur les lieux, prenant sa femme Jessica après le repas sur la table (pour une séquence appelée à rester dans les mémoires avec cette indifférence totale de Jessica qui ramassera des miettes avec sa main) , tandis que le gamin va récupérer l'argent de Cobb.
S'ensuivra une période d'attente au cours de laquelle Cob restera caché dans les granges, mais vite repéré par Jessica qui le nourrira sans rien dire à personne, les hélicoptères de la gendarmerie rôdant aux alentours, avant que finalement Horace, aidé par le pleutre Socrate, tenancier d'un garage où personne ne vient, ne découvre le pot aux roses et débusque Cobb. La suite de l'intrigue va nous réserver bien des rebondissements et des surprises parfois grinçantes, souriantes ou tendues, au fur et à mesure que les motivations des différents protagonistes vont s'exprimer pour déboucher sur un dernier acte nihiliste en diable mais qui collera parfaitement avec le ton global du film.
Outre son intrigue parfaitement huilée, alternance de western rural, de survival et de polar, sans oublier ces touches d'humour excellentes, le métrage pourra compter sur ses personnages pour garantir le spectacle, les fermiers beaucerons étant ici certes quelque peu caricaturés mais ce sera pour garantir une ambiance trouble, perverse avec une sexualité bien mise en avant (il suffira de voir la boiteuse s'exhiber et se frotter contre un Jimmy Cobb ligoté, ou encore ce Socrate voyeur allant épier deux jeunes hollandaises campant non loin de la ferme avant plus tard de se livrer à un acte sordide sous l'emprise de l'alcool ), mais l'humour sera parfois plus léger, avec notamment ce gamin quelque peu dérangé, bien en avance sur son âge et qui s'adjugera le final sans contestation possible.
L'interprétation est remarquable, avec un Lee Marvin monolithique qui tranchera foncièrement avec l’exubérance d'un Victor Lanoux parfait pour camper ce Socrate détestable au possible, tandis que Miou-Miou assurera dans le rôle de Jessica et que Jean Carmet, Bernadette Lafont ou encore Grace de Capitani ne démériteront pas dans des seconds rôles tout aussi croustillants, l'ensemble bénéficiant en outre de remarquables dialogues de Michel Audiard. La mise en scène d'Yves Boisset est efficace pour donner du rythme à l'ensemble mais aussi pour bien s'imprégner dans cette atmosphère fermière suintant la boue, le foin et la fange mais aussi toujours proche de l'explosion, énérant ainsi de fait une tension palpable.
Donc, ce "Canicule" sera une œuvre atypique, excellente dans son déroulement et dans la représentation de ses protagonistes inoubliables de dépravation et d'humour !
|