Réalisé en 1968 par le solide cinéaste américain Don Siegel, auteur qui a officié dans tous les genres avec une égale réussite (le grand classique de science-fiction L’invasion des profanateurs de sépultures, le sublime drame Les proies avec Clint Eastwood, le mélancolique western Le dernier des géants avec John Wayne ou encore le génial A bout portant avec Lee Marvin), co-écrit par le grand Abraham Polonsky (réalisateur à qui l’on doit les cultes Force of evil et Willie Boy), Madigan est un polar qui se démarque des autres films policiers américains réalisés auparavant par l’attention particulière qu’il porte au policier lui-même.
Siegel ne montre pas cette figure du policier comme un archétype mais comme un homme avec ses qualités et ses failles, pris dans un monde de violence et de perversion, le rendant de ce fait beaucoup plus humain, et également plus ambigu. Le cinéaste complètera cette étude de la figure du policier par Un shérif à New York et surtout le célèbre L’inspecteur Harry, point de non-retour de la figure du flic, qui inspire d’ailleurs toujours les cinéastes contemporains.
Totalement dévoué à son métier, le policier interprété avec conviction par l’immense acteur Richard Widmark, obsédé par la faute qu’il a commise au tout début du métrage (il a laissé filer un malfrat connu nommé Barney) et qui aurait dû lui coûter une mise à pied (et que ses bons et loyaux services lui évitent), finit par délaisser son épouse (qu’il aime pourtant), ne dort plus les nuit, devient dépressif et violent. Son travail finit par complètement absorber sa vie privée, le transformant en une machine perdant progressivement son humanité et s’éloignant des gens qui l’aiment et qu’il aime (comme la femme de Madigan) . L’inspecteur Harry renforcera encore cette thématique et la portera à son point-limite.
Figé dans un quotidien de plus en plus sale, de plus en plus lassant, Madigan ne trouve de réconfort que dans la figure paternelle que représente le rigide commissaire Russell (Henry Fonda, imposant).
Siegel s’attache à décrire avant tout ce quotidien banal vécu par les policiers, provoquant anxiété et perte d’assurance. Il laisse de côté le spectaculaire (dans Madigan, il n’y ni folle poursuites de voitures, ni fusillades homériques) pour se focaliser sur les personnages en perte de repères, dressant un tableau peu reluisant de la société.
Si Madigan n’est pas le plus grand film de Siegel, il n’en demeure pas moins une expérience originale et très intéressante. Un polar en quelque sorte humaniste et marqué par la fatalité, à ne pas manquer.
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