Bien sûr, l'ombre du film de Kubrick plane sur cette nouvelle version que l'on s'empresserait trop vite de condamner car le Lolita de Lyne est une oeuvre réussie, digne de l'original. Lyne, fidèle en celà à l'oeuvre de Nabokov, redonne à l'histoire d'amour tout son lyrisme. La rencontre entre Humbert et la nymphette indique clairement les directions choisies. Eclairage, ralenti, musique mélancolique d'Ennio Morricone : le style langoureux de Lyne devient romantique. Le film donne aussi à l'histoire une dimension charnelle très présente. Le corps de Lolita est l'obsession d'Humbert, sa nourriture. Traité en roman-photo, le passé de Humbert explique sa passion présente : adolescent, il a perdu son grand amour. L'obsession de Lolita est une tentative pour arrêter le temps. Mais cette tentative est aussi traitée sur un mode décalé, comique, satirique. Humbert découvre Lolita, qui sourit et révèle son énorme appareil dentaire... Quant au personnage de Clare Quilty, l'esthétique étrange des plans où il apparaît peut faire croire que cet être fantôme n'est qu'une invention de Humbert, la projection d'une angoisse. Jusqu'à l'affrontement final. Lyne a été critiqué pour cette fin sanglante et provocante (la bulle qui s'échappe de la bouche du cadavre). Pourtant cette scène est absolument fidèle au roman et fait aboutir le discours du film sur une forme d'absurdité. La limite du film vient peut-être de ses concessions à la morale mais la limite est mineure devant cette réussite assez inattendue.
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