Basé sur le thème classique de la vengeance, ce "Deux croix pour un implacable" va dérouler une intrigue limpide mettant en avant un personnage central assez éloigné des héros solitaires et calculateurs habituels tout en se dotant d'une petite morale prônant la non-violence assez originale et qui n'empêchera pas le métrage de comporter son lot d'action souvent brutale, cruelle et même un brin sadique.
Le script va laisser un homme ayant été témoin de la mort de ses parents, assassinés par l'homme fort d'une petite ville, revenir sur place pour les venger.
Dans son introduction, le métrage va mettre en scène le shérif de "Danger Pass" désireux d'aider Powell, un homme emprisonné et présumé coupable du meurtre d'une fillette, en le croyant innocent et victime d'une machination fomentée par le riche et puissant Moran afin de pouvoir s'approprier les terres de Powell où coulent une source convoitée. Le shérif va donc mettre son plan (assez laborieux et compliqué il faut dire !) à exécution mais cela n'empêchera pas Moran de rapidement se rendre chez lui, où se terre le malheureux Powell, pour rapidement déclencher une fusillade qui durera un moment et sera assez percutante pour finalement voir les hommes de Moran incendier la maison du shérif et donc obliger ce dernier à sortir avec sa femme, sa fillette et Powell. Ce dernier sera pendu sans aucune pitié par Moran qui va ensuite menacer de mort le shérif s'il ne se met pas à travailler pour lui, et devant un refus catégorique, il va mettre sa menace à exécution en assassinant de sang-froid la femme du shérif (tout en forçant la fillette à regarder), puis le shérif lui-même.
Cette scène dramatique et cruelle aura été suivie avec horreur par le petit Alex, le fils du shérif heureusement absent au moment des faits et qui, caché derrière un rocher, va donc assister au massacre de ses parents et à l'enlèvement de sa sœur. Cette introduction sera largement efficace pour avancer le sadisme de ce Moran, personnage de méchant typique, sans scrupules et doté d'un sadisme savamment dosé, tandis que cette fusillade bien orchestré sera efficace, avec par exemple la femme du shérif qui n'hésitera pas non plus à prendre les armes, tandis que les figurants vont mourir de manière expressive et graphique.
Ensuite l'intrigue va suivre ce jeune Alex, bien vite recueilli par une famille de quakers itinérants qui vont l'élever dans leur religion prônant la non-violence et une sagesse envers la nature, ce qui n'enrayera pas la soif de vengeance d'Alex qui une fois devenu un homme se montrera être un tireur émérite (nous le découvrirons en effet pour la première fois adulte en plein entraînement au tir) et ne tardera pas à quitter sa famille adoptive pour rejoindre "Danger Pass" afin de retrouver sa sœur et venger la mort de ses parents. Mais avant de partir, il fera ses "adieux" à son "frère", Mark, ce dernier ne tardant pas à suivre incognito les traces d'Alex jusqu'à la ville afin de pouvoir l'aider et le conseiller.
Heureusement le métrage va complètement éluder l'adolescence d'Alex chez ces quakers pour laisser place à sa revanche qui va d'abord le laisser se mettre au courant de la situation de sa sœur Judy puisqu'il va s'installer chez un ami de ses amis qui va l'héberger et le renseigner, pur même arranger une rencontre avec Judy au cours de laquelle la jeune femme va lui raconter avec émotion ses années passées à servir les Moran en attendant la retour vengeur d'Alex. Mais l'intrigue va aussi laisser Alex prendre la température de la ville où les Moran règnent toujours en maîtres, le père étant désormais secondé par son fils, Charly, un orgueilleux épris de la chanteuse du saloon qui n'hésitera pas à faire tabasser et à tuer un malheureux ivrogne ayant eu la maladresse de se frotter d'un peu trop près de sa dulcinée, lors d'une séquence remarquablement agencée par le réalisateur.
Alex va bientôt découvrir que Mark l'a suivi en ville et s'est fait embaucher comme serveur au saloon, pour tout de même continuer à préparer sa vengeance, en profitant du mariage de la fille de Moran, Gloria, avec Doc, un homme qui avait trahi le père d'Alex lors du plan pour sauver Powell. Mark va réussir à faire échouer une tentative d'Alex qui voulait faire sauter la saloon à la dynamite, quitte à tuer de nombreux innocents, mais ce sera de manière bien plus subtile qu'il va s'arranger pour que Charly, après un duel à mains nues perdu avec Alex, abatte son père en tirant sur son ennemi.
La mort de Moran va souffler comme une libération pour Judy qui après avoir empêché Charly de tirer une seconde fois sur Alex, va dévoiler à tous l'identité de son frère et bien vite se retrouver à servir d'appât pour attirer Alex dans un traquenard qui va prendre une tournure inattendue grâce à une idée saugrenue de Mark, annonçant ainsi du dernier acte qui va renouer avec une ces fusillades endiablées pour un final certes quelque peu brouillon mais terriblement jouissif et même souriant avec à nouveau ces personnages secondaires mourant de manière excessive.
Alors bien sûr, le métrage va suivre une ligne toute tracée pour laisser ce Alex accomplir sa vengeance mais l'intrigue aura la subtilité d'avancer quelques rebondissements imprévisibles et franchement bien trouvés, et surtout de ménager les ardeurs de cet homme aveuglé par sa douleur interne par la présence de ce Mark, quaker refusant de laisser son "frère" commettre des méfaits violents démesurés ou de se laisser aller à la violence sur une personne innocente dans la dernier acte, ce qui va par ailleurs mettre en avant toute l'ambiguïté de ce personnage principal pas si droit que cela et même très proche de ressembler à ses adversaires dans le sadisme gratuit.
Et d'ailleurs, ce ne sera pas le seul aspect d'Alex qui pourra surprendre, puisque ce dernier ne se montrera pas si fin que cela et aura tendance à aller aveuglement narguer ou attaquer ses ennemis sans calculer ou réfléchir avant d'agir, ce qui nous vaudra quelques situations palpitantes où la présence salvatrice de Mark sera prépondérante, avec là aussi une remise en question permanente du précepte de sa religion lui interdisant d'utiliser la violence et les armes pour agir, ce qui formera un ensemble assez original et tranchant avec les protagonistes typiques du western italien.
L'action sera bien présente tout au long du métrage, pour donc mettre en scène quelques fusillades largement étendues, mais aussi des bagarres brutales et sans merci, laissant un certain sadisme venir se mêler à l'intrigue avec bien entendu les mises à mort de sang froid de l'introduction, mais aussi avec ces coups de fouets et la violence indomptable qui va envahir Alex, pour même réussir par moments à ménage un suspense réel et palpitant.
L'interprétation sera ici largement efficace avec notamment un Peter Martell convaincant et ayant une véritable présence à l'écran, tandis qu'en face de lui Mario Novelli campera un Charly orgueilleux et couard percutant et que même les seconds rôles seront travaillés avec justesse, comme Luis Gaspar qui incarnera Mark ou encore la belle Dyanik Zurakowska qui jouera une Gloria chargée en émotions. La mise en scène de Rafael Romero Marchent est efficace pour donner du rythme à l'ensemble et trouver des cadrages renforçant l'ampleur de certaines séquences, tout en orchestrant certains passages avec une originalité surprenante.
Donc, ce "Deux croix pour un implacable" s'avérera être un western spaghetti bien plus original qu'il ne pourra y paraître au premier abord tout en parvenant à divertir et à impliquer son spectateur dans cette vengeance parsemée de situations prenantes !
|