Réalisé par Gérard Kikoïne, habituellement plus volontiers porté vers l'univers du "X", ce "Edge of sanity" brasse allégrement le mythe du Dr Jekyll et celui de Jack l'éventreur pour un résultat vraiment pas déplaisant à suivre offrant à Anthony Perkins un de ses derniers rôles au cinéma.
Le script suit, dans le Londres du XIXème siècle, la déchéance du Docteur Jekyll, un brillant médecin anglais testant une nouvelle forme d'anesthésique qui, suite à un accident lui faisant inhaler massivement la substance, va le transformer chaque nuit en un monstre sanguinaire et lubrique.
D'entrée, le métrage nous plonge dans une atmosphère trouble, avec ce jeune garçon regardant d'un haut d'une grange un couple en pleine action qui va chuter et se retrouver pendu par les pieds avant de subir une correction musclée, pour finalement nous révéler que ce n'est qu'un rêve ( souvenir ? ) du personnage principal se réveillant en sursaut.
L'intrigue va alors s'efforcer de nous présenter ce Docteur Jekyll, un médecin renommé bien sous tous rapports ( il n'y a qu'à voir comment il se détourne devant le buste d'une jeune femme battue lui dévoilant ses blessures ) dont la seule particularité est d'essayer, notamment sur lui même et un singe lui servant de cobaye, une drogue certainement dérivée de la cocaïne comme anesthésique. Mais un léger accident dans son laboratoire va l'obliger à respirer le fruit de ses recherches, le transformant ainsi en Jack Hyde, un être dépravé et meurtrier de prostituées.
Le métrage suivra donc ensuite ce Hyde dans ses virées nocturnes de plus en plus brutales dans les bas-fonds de Londres et plus précisément dans une maison close chic où il libérera ses pulsions, tandis qu'en journée le Docteur Jekyll aura de plus en plus de mal à subsister et à paraître normal à son entourage et surtout à son épouse, jusqu'au délire final bien maîtrisé par le réalisateur.
Venant de la part d'un réalisateur bien porté sur l'érotisme, on était en droit de s'attendre à de multiples scènes osées, mais il n'en est ( presque ) rien car même si l'auteur cède à quelques plans déshabillés et à un brin de perversion ( la prostituée déguisée en nonne, par exemple ), celui-ci préférera largement s'intéresser à son personnage principal et à sa transformation progressive, bien aidé il est vrai par la prestation hallucinée d'Anthony Perkins.
Et même si l'intrigue n'est jamais ambiguë, l'interférence entre deux mythes forts du genre est ici parfaitement contrôlée, rendant l'ensemble limpide et prenant, tout en s'accordant quelques dérives parfois surprenantes mais surtout en jouant sur la dualité progressivement effacée du personnage et sur la menace potentiel qu'il représente pour son épouse tendre et aimante ( alors que les prostituées sont clairement identifiées comme des êtres pervertis et lubriques ).
Alors bien sûr, l'ensemble restera bien souvent prévisible et peinera à entretenir le suspense, puisque l'issue fatale deviendra rapidement inéluctable, mais l'auteur saura transgresser les règles lors d'un final bien délirant, et surtout nous offrant un dernier plan terrible et réussi.
L'interprétation est convaincante, bien évidemment portée par Anthony Perkins crédible dans son double rôle, même s'il laissera quand même l'impression d'en faire régulièrement trop et la mise en scène de Gérard Kikoïne est étonnamment fluide et efficace, donnant même, avec l'aide de décors d'époque très crédibles, au métrage un aspect proche des productions de la Hammer, tout en laissant par instants planer une ombre italienne par un sadisme brutal proche du giallo lors des séquences de meurtre ( notamment la dernière ).
Les effets spéciaux sont plutôt probants, même si le maquillage d'Anthony Perkins destiné à le faire ressembler à un junkie est parfois trop appuyé et les quelques plans sanglants sont vite expédiés.
Donc, ce "Edge of sanity" s'avérera être une bonne surprise, maîtrisée par un réalisateur dont on attendait pas forcément grand-chose et offrira une variation intéressante sur le thème du personnage crée par Robert Louis Stevenson !
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