A Fort-Coulais, petit poste frontière et comptoir marchand à la limite des deux Cameroun, en 1915, cinq épiciers, un sergents de la coloniale, deux Pères blancs et un jeune normalien, apprennent avec 6 mois de retard que la guerre est déclarée à l'Allemagne. Nous assistons alors à la manifestation d'un patriotisme cocardier qui va transformer ces gugusses en farouches guerriers, au grand dam du sergent qui aurait préféré la morose contemplation de son verre d'absinthe au fracas des armes. Jean-Jacques Annaud dont c'est le premier film reconstitue explicitement une micro-société : l'Armée, l'Eglise, la Bourgeoisie, le Corps Enseignant, c'est à dire une véritable structure institutionnelle. Les personnages sont ainsi investis d'une fonction sociale très précise. Les acteurs sont tellement chargés symboliquement qu'ils deviennent des modèles d'une idéologie. Brossés à grands traits, ils sont exemplaires. On peut récuser un tel grossissement mais on ne peut en nier l'impact démonstratif. La force du film d'Annaud est de montrer que tout est organiquement lié. Il ne peut y avoir une exploitation colonialiste que si une idéologie politico-religieuse l'explique et la justifie d'une façon impérialiste. Dans le Voyage au Congo, André Gide écrivait : "moins le Blanc est intelligent plus il trouve le Noir bête".
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