« A Los Angeles personne ne te touche, on est toujours entouré de métal, le sens du toucher nous manque tant qu’on se rentre dedans pour sentir quelque chose » A partir de cette métaphore justifiant son titre original, Paul haggis pour un premier film ne fait pas dans la facilité, encore moins dans le commercial en choisissant de traduire au travers des différentes classes sociales cette indicible peur face à la différence.
Ce premier accident nous présentant un couple de flics est le début de rencontres éphémères qui vont marquer les esprits et les destinés. Nous remontons le temps de 24 heures pour suivre le destin de tous ces personnages si différents n'ayant qu'un point commun, vivre à Los Angeles. Nous suivons la première agression à main armée pour le vol d'un 4x4 par 2 jeunes noirs, cette agression subie par un procureur va servir de fil conducteur pour présenter tous les personnages. Il y a donc le procureur qui compte sur la communauté noire pour le poids des votes, sa femme dont le statut social et l'agression qu'elle a subi qui doute de tous les étrangers, à commencer par le serrurier qu'on suppose mexicain. La voiture volée et recherchée par la police nous fait croiser ce couple noir batifolant dans le même véhicule, arrêtés ils vont subir les pires humiliations par un flic qu'on suppose raciste au plus haut point, son collègue médusé par ces pratiques deviendra malgré lui une pièce essentielle de ce métrage. Toutes ces rencontres furtives ne sont jamais le fruit du hasard, ces personnages vont se croiser, partageant des instants tragiques, subissant parfois le contre coup de cette peur en devenant agressé-agresseur ou au contraire par rédemption des héros. Le titre métaphorique "Crash" aurait pu se substituer à "Fear" tant elle transpire de bout en bout dans cette trame.
On peut reprocher au réalisateur de s'éparpiller un peu trop dans la multitude des personnages proposés, certains étant hélas trop superficiellement traités. On regrettera également certaines scènes sombrant dans le mélo facile. Mais Paul Haggis nous déroute constamment avec ce changement perpétuel de camp pour le bien et le mal, notamment avec cette rédemption spectaculaire du flic raciste essayant de sauver celle qu'il a quelques heures plus tôt humilié, ce sauvetage amenant une tension dramatique extraordinaire de maîtrise.
Matt Dillon est remarquable même si le rôle s'y prête, Terence Howard dans un jeu plus subtil amène une sacrée émotion mais il serait injuste d'oublier tous les seconds rôles excellents à commencer par Don Cheadle. Derrière un casting très étoffé, la photo de James Muro et la musique de Mark Isham étayent magistralement cette première oeuvre.
Au final, nous assistons à un plaidoyer sans concession sur la difficulté à cohabiter dans ce brassage multiethnique, nous renvoyant à nos propres jugements. Ici l’expression « Pour un coup d’essai c’est un coup de maître » n’est nullement galvaudée, c’est un film dérangeant, poignant mais avant tout magistral !
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