Avec ce "Le dernier face à face", le réalisateur italien Sergio Sollima va nous livrer une étude de caractère largement immersif au sein d'une intrigue carrée, exploitant avec vigueur les principaux thèmes du western, pour au final s'attacher surtout à suivre le parcours inverse suivi par ses deux personnages principaux, l'un se rachetant tandis que l'autre sombrera dans la violence et le crime.
Le script va suivre la destinée de l'un des derniers rescapés de la "horde sauvage" encore en vie et désireux de reformer cette bande de hors-la-loi mythique, mais sur son chemin, il va rencontrer et se lier d'amitié avec un professeur d'histoire honnête qui va l'instruire tout en étant impressionné par la force et le pouvoir de la violence et des armes à feu.
Dans son introduction, le métrage va laisser Brett Fletcher, un professeur d'histoire, faire ses adieux à sa classe à l'aide d'une leçon de morale sur le destin avant de se voir salué par ses collègues, par qui nous apprendrons que le mauvais état de santé de Fletcher l'oblige à quitter sa terre natale pour se rendre au Texas où l'air ne pourra lui faire que du bien. Cette courte présentation du personnage avancera notamment sa droiture et sa timidité alliée à un manque d'ambition le faisant surtout être victime des événements, au défaut de les provoquer.
Nous retrouverons donc Fletcher dans son nouveau lieu de villégiature où il se repose à l'écart de la civilisation mais bientôt une diligence va arriver, transportant un shérif et le détenu qu'il accompagne, Beauregard Bennet, un des survivants de la fameuse "horde sauvage", qu'il traitera sans ménagement, ce qui offusquera un Fletcher porté par son esprit humaniste. Suite à un concours de circonstance, Bennet va parvenir à s'emparer d'une arme et à prendre en otage Fletcher jusqu'à la diligence qui va quitter les lieux, emportant les deux hommes, Bennet étant tout de même blessé au passage.
Le métrage avancera tout de suite l'antagonisme existant entre ces deux protagonistes, Bennet n'étant qu'un truand impulsif, doublé d'un as de la gâchette, tandis que Fletcher, pessimiste sur son sort suite à sa maladie, ne saura même pas tirer ni aider Bennet à extraire la balle qu'il a reçu dans le ventre. Car en effet, malgré cette opposition, les deux hommes vont faire route commune jusqu'à une ancienne cachette montagneuse de la "horde sauvage" où Bennet va pouvoir se reposer, plus ou moins soigné par Fletcher. C'est là qu'ils vont voir débarquer Charley Siringo, un homme se présentant comme un hors-la-loi désireux de faire partie de la nouvelle "horde sauvage" qu'il imagine que Bennet va recréer, mais ce dernier renverra ce nouveau venu, même si cette idée de reformer la horde trotte belle et bien dans la tâte de Bennet.
L'intrigue va ensuite suivre la refonte de cette bande de truands, un autre rescapé emprisonné étant libéré suite à un accord avec Bennet qui va débarrasser la ville de quelques souteneurs, ce qui permettra à Fletcher de se mettre en avant en sauvant la vie de Bennet pour son premier acte de violence, et c'est ainsi qu'un peu plus tard ils vont rejoindre avec d'autres la "Piera de Fuego", un territoire isolé où vivent au communauté les hors-la-loi recherchés, les déshérités et autres fermiers ruinés.
Cette communauté sera présentée sous un jour éminemment sympathique (voir la séquence de danse), pleine de vie et permettra au réalisateur de poursuivre son étude de ses deux personnages principaux puisque c'est là que nous appréhenderons la vraie nature de Bennet, déjà aperçue auparavant (la séquence de la lettre accompagnée d'argent), lorsque par exemple refusera les avances d'une adolescente amoureuse de lui et montrera son côté "bon vivant", alors que parallèlement Fletcher va se découvrir des penchants insoupçonnés (le viol d'une demoiselle qui l'attirait fortement) et surtout, son intelligence et son éducation le rendant quelque part supérieur aux autres, il va commencer à s'immiscer dans les décisions, concoctant même un plan pour braquer une banque de manière pacifique. Mais il faudra compter avec Siringo, en fait un espion de l'agence Pinkerton, une sorte de police parallèle surpuissante et ayant chargé Siringo de capturer les anciens de la "horde sauvage" qui mettra à mal le plan de Fletcher puisque son braquage tournera à la fusillade et marquera véritablement le tournant du métrage, puisque ce sera ensuite que Fletcher va définitivement sombrer dans le crime et prendre la tête de la "Piera de Fuego" en appâtant avec de l'argent ses habitants, prémisse à un dernier acte sublime porté par un final humaniste grandiose et remarquablement orchestré par un Sergio Sollima porteur d'une certaine idée de la justice.
Mais si le métrage comportera bien des situations traditionnelles du western, avec cette attaque de banque tendue ou encore ces fusillades énervées et ces "vigilantes" qui vont prendre d'assaut la "Piera de Fuego" à la fin du métrage, ce sera surtout grâce à ses protagonistes que l'ensemble deviendra admirable et mémorable. En effet, l'intrigue s'attachera à nous décrire le parcours vers le crime de Fletcher dont nous verrons peu à peu les changements s'opérer dans son état d'esprit au travers de petits détails, comme lorsqu'il dira être surpris par le sentiment de puissance que donne le fait d'avoir une arme dans les mains, tout en étant quand même envieux de la dextérité de l'aplomb et de l'adresse de Bennet, et c'est ainsi que le virage s'amorcera doucement mais de manière de plus en plus flagrante jusqu'à ce qu'il bascule inexorablement dans le banditisme en perdant au passage ses principes et ses idéaux jusqu'à devenir perfide et presque inhumain lors du dernier acte.
Pendant ce temps, ce sera de manière contradictoire que le caractère de bennet va évoluer, de la bête sauvage, insensible et frustre découverte au début du film, nous allons peu à peu appréhender un être plus sensible qu'il n'y paraît, versé dans la violence presque par obligation pour survivre et qui va de son côté s'humaniser au contact de Fletcher, pour même faire preuve de fidélité et à son tour d'humanisme lorsqu'il refusera de prendre la tête des "vigilantes" rassemblés pour aller massacrer la communauté de la "Piera del Fuego", laissant de fait le final magnifique entériner la chose.
Mais le métrage ne se limitera pas à ses deux personnages principaux, puisque d'autres seront visés également par cette étude de caractère, Siringo en premier, qui malgré son statut de traître et d'espion, arrivera au final à contrebalancer la donne pour devenir lui aussi se laisser imprégner d'un sentiment de justice et d'humanité.
Mais bien entendu, ces évolutions des caractères de chacun ne viendront en aucun cas rogner sur l'action ou se faire au détriment du rythme puisque ce sera toujours au sein des rebondissements que nous cette étude se fera.
L'interprétation est largement convaincante, porté par un Tomas Milian toujours aussi excellent et par un Gian Maria Volontè impliqué et se transformant même quelque peu physiquement au cours du film, tandis que la mise en scène de Sergio Sollima est adaptée pour aussi bien mettre en valeur les décors naturels que pour donner de l'ampleur aux événements, en utilisant à merveille ses cadrages, une superbe photographie et le champ d'une caméra dont les mouvements resteront fluides et séduisants.
Donc, ce "Le dernier face à face" restera comme un grand western quelque peu inhabituel dans son thème principal, doublé d'une action soutenu, impliquante et parvenant à ménager un certain suspense !
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