Charisma :
S'il est un film particulièrement étrange où les non-dit du réalisateur et les personnages absurdes le rapprochent d'un David Lynch, Charisma est sans nul doute ce film.
Dix-neuvième réalisation du jeune Kiyoshi Kurosawa (Kairo), ce film traite avant tout des oppositions générées à cause d'un arbre, Charisma, dont les racines empoisonnées sont censées détruire progressivement la forêt où il se trouve. D'où l'opposition entre les scientifiques et le jeune gardien de cet arbre.
Cette opposition sous-entend plusieurs autres oppositions : celle des ruraux contre les citadins, celle d'un Japon moderne contre un Japon originel (la nature n'ayant pas été changée par l'homme).
C'est que l'un des thèmes principaux du film est la protection de l'environnement même si le point de vue du réalisateur va plus loin que ça.
Ainsi, Kiyoshi Kurosawa nous montre une forêt particulièrement inquiétante (ce fait qui est renforcé par une musique qui apparaît parfois comme très spéciale, voire décalée par rapport aux images que l'on nous donne à voir) qui semble « vivre » et transformer l'identité des gens. Il faut dire que dans cette forêt on rencontre des gens très originaux (notamment le gardien de l'arbre, Kiriyama) pour ne pas dire complètement cinglés pour certains.
Le héros, Yabuike, se retrouve mêlé à cette lutte où certains cherchent à détruire cet arbre, Charisma, qu'ils considèrent comme maléfiques et d'autres (ou plutôt un autre uniquement, le gardien de l'arbre) qui le vénèrent tel un dieu.
Cette lutte dont les tenants et aboutissants sont donc a priori simples à comprendre préfigure d'autres questions beaucoup plus importantes : A-t-on le droit de vie et de mort sur quinconque, même un simple arbre ? Quel est le bon choix ? Visiblement Yabuike n'arrive pas vraiment à trancher dans un sens ou dans un autre. En effet, cet ex-flic veut faire vivre tout autant la forêt que l'arbre tant convoité (pour des raisons très diverses).
Une fois de plus, avec un style qui lui est propre, Kiyoshi Kurosawa traite de l'un des sujets qui lui tient le plus à coeur : l'incommunicabilité entre les êtres. Une incommunicabilité manifeste entre les pro et les anti Charisma (l'arbre) mais également une incommunicabilité du héros lui-même qui ne sait pas trop dans quel camp il doit aller (puisqu'il ne sait pas lequel est le plus juste) et qui repousse la femme qui souhaite sortir de cette forêt (Chizuru, la soeur de la prof de biologie) pour se rendre avec lui à Tokyo.
Oui mais voilà, rien ne dit que notre héros ait envie de retourner à Tokyo. S'il n'est pas venu dans cette forêt pour se perdre et se suicider (méthode typique employée au Japon pour se suicider) – encore que, on en n'est pas certain – il est venu avant tout pour se resourcer et chercher à donner un sens à sa vie.
Et que dire de la fin sinon qu'elle préfigure une sorte d'apocalypse (Kairo ?).
En somme, voilà un film d'une très grande beauté visuelle – qui peut paraître un peu austère pour certains – qui pose de nombreuses questions sur la vie au sens le plus noble que ce terme peut contenir.
Pour ceux qui souhaitent connaître une des oeuvres non négligeable de l'un des très prometteurs réalisateurs de la nouvelle vague japonaise, Charisma est le film à voir.
8/10
Kairo :
Avec Kairo, Kiyoshi Kurosawa renouvèle en 2001 le film de fantômes. Mais le ton abordé est très différent d'un Ring. Ici, on est presque en face d'une étude clinique de l'espèce humaine avec des disparitions inexpliquées. Le cinéaste s'attache surtout à évoquer une de ses thématiques favorites, à savoir l'incommunicabilité. De la sorte, il dresse un portrait peu flatteur d'Internet. Comme souvent chez Kurosawa, le film est très maîtrisé sur le plan de la mise. Les cadrages donnent un aspect géométrique au film et participent à l'ambiance angoissante qui découle de la vision de Kairo.
La fin du film semble plus apaisée mais elle demeure très mystérieuse.
8,5/10
Jellyfish :
Réalisé par Kiyoshi Kurosawa en 2003, Jellyfish avait dérouté les spectateurs lors du festival de Cannes. Il faut dire que le film de Kiyoshi Kurosawa est assez éloigné de sa veine fantastique (Kaïro, Cure, Séance). On est plus en présence d'un drame intimiste voire d'une chronique sociale.
Le film permet pourtant à Kiyoshi Kurosawa de traiter de thèmes qui lui sont chers tels que l'incommunicabilité (parfaitement symbolisé par la méduse), le suicide ou encore la jeunesse qui a bien du mal à se trouver des buts dans la vie.
Complètement dérythmé et avec une progression narrative qui a de quoi laisser perplexe, Jellyfish est un film difficile d'accès. Le film ne propose d'ailleurs aucune solution mais il ouvre de nombreuses pistes de réflexion au spectateur, si tant est que celui-ci soit réceptif devant un tel film.
Pour ma part, j'ai apprécié les thématiques développées mais je reconnais avoir été quelque peu dubitatif devant les agissements des protagonistes du film.
Je conseille ce film uniquement aux fans hardcore de ce cinéaste, sachant qu'on est ici plus devant un film d'auteur que face à une série B.
7/10
Séance :
Dans ce film qui a été tourné juste avant Kaïro, le cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa nous offre un thriller mâtiné de fantastique. Ou pour être plus précis on peut considérer ce film comme un film de fantôme.
Le scénario du film est très intelligent car les événements ne sont jamais prévisibles, hormis peut-être la fin.
Comme souvent chez lui, Kiyoshi Kurosawa glisse une partie fantastique dans un quotidien qui est parfaitement banal. Ici, on se retrouve avec un couple japonais qui est heureux en ménage mais on sent chez la femme, qui a des dons de médium (ce qui va avoir des répercussions sur l'ensemble du film), mais qui surtout ne travaille pas, une certaine frustration. Au-delà de son histoire de fantôme qui est très intéressante, Kiyoshi Kurosawa se livre à une étude du couple qui n'en est pas moins captivante. Le cinéaste traite aussi de thèmes qui lui sont chers tels que les problèmes de communication ou celui de la culpabilité.
Bien filmé, bien joué, bien photographié, Séance est un film qui mérite d'être découvert.
8/10
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