Réalisé par le cinéaste indépendant anglais Shane Meadows, ce "Dead man's shoes" adoptera un ton réaliste très proche du documentaire pris sur le vif pour venir nous conter une histoire de vengeance justifiée par des faits dont l'absurdité tragique s'étalera progressivement, pour un résultat à mi-chemin entre le film de genre et le film d'auteur, pas forcément accessible à tous mais marquant pour peu que l'on arrive à rentrer dans l'intrigue.
Le script va laisser un ancien militaire revenir au pays et venger dans le sang on frère brutalisé par quelques petits dealers.
Après un générique laissant défiler quelques images en super 8 montrant deux enfants grandir au travers d'événements plus ou moins marquants de leur jeunesse, le métrage va tout de suite avancer ses deux personnages principaux, Richard, un homme à l'allure débonnaire traînant derrière lui son frère Anthony que nous découvrirons rapidement être quelque peu simple d'esprit. Nous allons donc suivre ces deux individus s'installer dans une ferma abandonnée (celle de leurs parents par le passé ?) avant de les retrouver en ville où dans un bar, Richard va fixer du regard un petit dealer, Herbie, pendant qu'Anthony essayera de se faire tout petit afin de ne pas attirer l'attention sur lui. Mais Herbie va venir provoquer Richard qui va lui répondre avec une force et une hargne réfrénée telle que son interlocuteur préférera quitter les lieux et continuer ses petites affaires puisqu'il va aller rejoindre celui pour qui il deale, Sonny, attablé et jouant aux cartes avec quelques amis. En repartant, il va tomber nez à nez avec Richard qui curieusement mais avec un charisme dangereux va s'excuser de son comportement dans le bar. Ce sera le début d'une entreprise d'intimidation qui ne va en rester là très longtemps.
Cette entame du métrage sera profondément naturaliste pour mettre en avant ses protagonistes, et notamment l'entourage de ce Sonny, le chef d'une bande de petites frappes plus stupides que méchants, à la vie pourrie et passant leur temps à se droguer ou à boire, et placera d'emblée Richard comme un être éminemment dangereux et sûr de lui. Cela sera largement confirmé par la suite des événements car, après s'être ouvertement moqué de ses adversaires par exemple en pénétrant chez eux pendant leur sommeil éthylique pour leur peindre le visage ou les cheveux, Richard va même affronter sans sourciller Sonny lors d'un affrontement verbal porteur d'une tension sèche et froide, au cours duquel sa bonhomie contrastera furieusement avec la nervosité de Sonny, laissant peu de temps après le carnage commencer véritablement.
En effet, l'intrigue va suivre alors la vengeance d'un Richard faisant payer à ses victimes ce qu'elles ont fait quelques années plutôt à son frère Anthony pendant qu'il était à l'armée, le calvaire du jeune handicapé nous étant conté intelligemment en de courts flash-backs qui vont parsemer le métrage pour nous donner une idée encore plus précise de la bêtise et de la lâcheté de ces quelques misérables petits voyous qui vont tout à tour se moquer de leur victime, pousser Anthony à se droguer massivement avant de le brutaliser, Sonny le premier, pour également entre autres stupidités, pousser une demoiselle à lui faire l'amour pour venir interrompre leur ébat en continuant à se gausser de lui.
La méthode utilisée pour se venger sera expéditive, originale (les drogues) mais cruelle et sans merci, jusqu'au dernier acte nihiliste qui viendra clore le métrage de façon amère, surtout après la révélation guère anticipable qui viendra secouer un peu plus le spectateur.
Car en effet, en plus d'une violence ici pourtant peu graphique (le métrage ne sera pas gore et pas franchement axé sur la brutalité même de Richard) mais dont l'impact sera renforcé par cet aspect "pris sur le vif" marquant, les mises à mort seront quand même largement douloureuses, les tortionnaires d'Anthony n'étant pas présentés comme des brutes épaisses ou des monstres, mais comme le reflet d'une jeunesse désenchantée et délaissée avec sous cette couche de bêtise crasse, des êtres humains largués et parfois méchants, mais des êtres humains quand même.
Et face à eux, ce Richard mènera sa croisade pour les punir sans aucune concession, avec une amertume évidente sans pour autant que le moindre plaisir pris à tuer ne transparaisse jamais sur son visage, comme si ce qu'il faisait était logique et nécessaire mais jamais jouissif, ce qui s'appliquera d'ailleurs pour l'ensemble des mises à mort qui ne deviendront jamais réjouissantes mais plutôt pathétique et tristes, même si un humour bien évidemment noir viendra sporadiquement s'y mêler.
Les différents protagonistes seront donc criants de vérité dès leur présentation, ce qui aidera foncièrement le spectateur à s'impliquer dans l'intrigue et l'ensemble bénéficiera d'une interprétation de qualité, Paddy Considine en tête dans le rôle de Richard, mais Gary Stretch jouera avec brio Sonny, le seul "beau salaud" du groupe. La mise en scène de Shane Meadows est efficace, collant au mieux à l'action avec cette caméra à l'épaule confinant à un réalisme total, et les effets optiques utilisés le seront plus que judicieusement pour faire pénétrer le spectateur à l'intérieur du crâne des drogués, par exemple.
Donc, ce "Dead man's shoes" offrira une vision différente, originale au "film de vengeance" tout en livrant un regard sans concession et peu reluisant sur une certaine vie de la jeunesse et des bas-fonds anglais !
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