Injustement et presque étrangement resté dans l’ombre, ce "Black Christmas" n'en demeure pour autant pas moins que l'une des œuvres réellement fondatrices du "slasher" dont le réalisateur Bob Clark en a ici déjà clairement défini certains codes, bien avant le "Halloween" de John Carpenter, avec un sens du suspense et de l'ambiance terriblement efficace.
Le script va plonger dans la terreur les étudiantes habitant dans une pension pour demoiselles, à la suite de coups de téléphone obscènes et après la disparition inexpliquée de l'une d'elles.
D'entrée, Bob Clark va créer une tension exacerbée qui ne quittera plus par la suite le métrage en suivant en parallèle une soirée donnée dans une maison occupée par des étudiantes et de l'intérieur un mystérieux individu qui va scruter ce qui se passe à l'intérieur avant d'escalader le mur pour se glisser dans un grenier. L'intrigue va alors peu à peu nous présenter les différentes demoiselles habitant dans cette demeure aux extérieurs naturellement angoissants, qui vont être bientôt confrontées à un appel téléphonique vicieux d'un pervers éructant et insultant ses interlocutrices, créant ainsi un malaise au sein de la petite communauté, malaise qui sera communicatif et traversera l'écran pour venir empoigner le spectateur, surtout que dans la continuité, une des jeunes filles s'étant retirée dans sa chambre va se faire assassiner lors d'une séquence brutale et surprenante (mais sans être sanglante).
Bien entendu, la disparition ce cette demoiselle va se faire ressentir puisqu'elle devait rejoindre son père le lendemain pour les vacances de Noël, et celui-ci, naturellement inquiet, va se rendre au pensionnat à la recherche de sa fille. Presque obligée, la gérante des lieux va lui faire visiter l'endroit, occasionnant au passage quelques scènes humoristiques pétillantes qui ne viendront certainement pas perturber l'atmosphère globale du film mais offriront au contraire un peu de répit au spectateur, avant que l'affaire soit véritablement placée entre les mains de la police, tandis que les appels téléphoniques obscènes et dérangeants vont se poursuite et que l'assassin continuera de rôder dans la maison.
La première partie du métrage s'appliquera donc à bien nous présenter les différents personnages, dont certaines relations auront une importance capitale pour le déroulement de l'intrigue, avec parfois une bonne humeur souriante (et notamment cette gérante alcoolique et dévergondée), tout en installant de façon extrêmement efficace une ambiance plus que tendue et macabre (avec en prime cette sous intrigue liée à cette fillette également disparue qui ne fera que renforcer le sentiment d'insécurité), pour laisser l'assassin plus ou moins en retrait, mais rappelé à nos bons souvenirs par de courtes séquences invariablement étouffantes et prouvant si besoin en était sa dangerosité (la scène hystérique de saccage dans le grenier), jusqu'au second meurtre qui en appellera d'autres lors de la seconde partie du film.
Car en effet, alors que l'entrée en scène de la police aurait dû être rassurante, rien n'y fera (avec en plus la stupidité du sergent réceptionnant les personnages), Bob Clark affirmera de manière encore plus crispée et suffocante son suspense lors de la seconde moitié du film, lors de la partie liée à l'enquête policière maniant parfaitement l'agencement des séquences pour donner un impact fort au moindre coup de téléphone reçu dans la maison, tout en avançant quelques fausses alertes parfaites et en continuant à suivre le tueur en caméra subjective, et alors que la quête de l'identité du tueur viendra également occuper l'esprit du spectateur à la recherche du moindre détail troublant.
Et justement le réalisateur en disséminera régulièrement au cours du métrage, des éléments ambigus tendant à laisser suspecter certains protagonistes, jusqu'au coup de théâtre certes évident de nos jours car bien souvent visité depuis, mais ayant quand même gardé son impact pour laisser un final étouffant venir clore le métrage, jusqu'à ce dernier plan glacial et extrêmement réussi qui marquera les esprits.
Les personnages auront une place importante dans la réussite du métrage et sans forcément rentrer dans les détails le réalisateur dressera quelques portraits croustillants (la gérante, mais aussi une étudiante particulièrement débauchée et "grande gueule", ainsi qu'un policier ridicule), tout en offrant une consistance aux protagonistes-clés qui ne fera qu'accroître la tension et la sentiment de danger, l'ensemble bénéficiant d'une interprétation remarquable, entre Olivia Hussey fragile dans le rôle principal, Margot Kidder et John Saxon qui livreront des prestations exemplaires. La mise en scène de Bob Clark est grandement efficace en utilisant avec brio l'effet de caméra subjective et tout en filmant les meurtres de façon agressive mais sans verser dans un aspect sanglant quasiment absent du métrage pour lui préférer une brutalité plus froide et sauvage parfois héritée du "giallo" (le meurtre avec la sculpture en verre, par exemple), et enfin, les angles de prise de vues participeront elles aussi à entretenir et à gérer le suspense du film.
Donc, ce "Black Christmas" constituera une réussite évidente et rarement égalée dans le genre et surtout mériterait d'être réhabilité à sa juste valeur et découvert par un plus grand nombre !
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