Difficile d'évoquer "Martyrs" sans en déflorer les nombreux retournements de situation qui font naviguer le métrage entre plusieurs genres, laissant le spectateur incapable d'anticiper sur l'orientation que va prendre le métrage, mais pour autant, le film est une réussite totale, scotchante qui arrive à malmener son spectateur, à le choquer tout en le bouleversant au plus haut point.
Le script va laisser une jeune fille, Lucie, échapper à ses ravisseurs qui la séquestrait et la battait. Après une jeunesse passée dans un service pédiatrique en compagnie d'une autre jeune fille qui va s'occuper d'elle, Lucie va enfin retrouver ceux qu'elle croit être ses bourreaux sous l'apparence d'une famille on ne peut plus normale et va décider de se venger…
Dès sa séquence introductive, le métrage va prendre aux tripes en avançant cette jeune fille, prénommée Lucie comme nous le découvrirons plus tard, perdue courant en hurlant dans un environnement délabré, pour ensuite nous renseigner sur son cas, puisqu'elle a été retenue contre son gré et battue par des inconnus (mais pas violée comme ce sera bien précisé) avant de pouvoir s'échapper et d'être placée dans une institution réservée aux enfants où, grâce à des images extrêmement réalistes tournées en "super 8", nous allons découvrir plus en avant ce personnage craintif et renfermé qui va pourtant se trouver une amie qui va prendre soin d'elle et partager sa chambre, laissant alors au réalisateur le soin de nous imposer une première séquence déjà particulièrement stressante et effrayante, avant même que le titre du film n'apparaissent sur l'écran.
Mais ensuite, changement de décor, car après un bon en avant d'une quinzaine d'années, nous allons partager le petit déjeuner d'une famille bourgeoise tout à fait normale, entre les chamailleries des deux adolescents et les remontrances de la mère préoccupée par l'avenir de son fils, jusqu'à ce que la sonnette d'entrée retentisse. Le père allant ouvrir, il va tomber sur une jeune femme armée d'un fusil qui sans sommation va tirer, tuant l'homme blessé au ventre. Ce sera le début dune rapide traque sanglante et incroyablement réaliste, rendue douloureuse car le courroux de celle que l'on devinera sans mal être Lucie semblera bien disproportionné et cruel vis-à-vis de ces gens tranquilles n'ayant apparemment rien demandé à personne. Et Après son carnage, Lucie va appeler Anna, son amie d'enfance au courant du fait que Lucie observait ceux qu'elle pensait avoir reconnu comme étant ses bourreaux d'antan, qui va s'empresser de rejoindre Lucie sur place. Mais en attendant Lucie va rester seule dans la maison de ses victimes et va entendre à nouveau le souffle de ce qui la terrifiait lorsqu'elle était plus jeune.
En à peine un quart d'heure le réalisateur Pascal Laugier aura réussi à étendre son emprise sur son spectateur scotché par la violence froide, sans pitié et déterminée dont fera preuve Lucie, mais ce sera ensuite pour mieux pénétrer au frontières du surnaturel le plus graphique et terrifiant, brutal et sanglant avant de nous donner une première clé de l'énigme du film, qui s'avérera être bien minime par rapport aux surprises à venir.
Car des surprises de taille, le métrage va en receler plus d'une, s'installant à peine dans une situation pour qu'un revirement inattendue vienne perturber le récit et l'embarquer ailleurs, de plus en plus profondément dans la démence et l'abject, dans un univers sans rémission fait de violence froide et sèche, mais jamais gratuite, où la torture et la douleur semble être le mot d'ordre pour les victimes maltraitées et détruites par les mauvais traitements destinés à quelque chose qui viendra achever de déstabiliser tout en apporter une réponse invitant à la réflexion sur ce qui s'est déroulé auparavant.
D'où l'importance d'arriver "vierge" devant "Martyrs", sans savoir comment tout cela va finir pour pouvoir souffrir en compagnie des protagonistes sans comme eux savoir pourquoi ni dans quel but, et ainsi se demander comment l'auteur à pu aller aussi loin pour exploiter son sujet et nous assener non pas une violence gore gratuite et jouissive comme elle peut l'être dans un bon nombre de films du genre, mais une violence douloureuse, méchante et graphique sans pour autant tomber dans l'excès (le film n'est pas si gore que cela, mais l'imagination fera que l'on pensera en voir plus que ce qui est réellement montré sur l'écran) qui secouera tout en rendant franchement mal à l'aise devant les actes malsains, complètement atroces commis sur ces êtres brisés à tout jamais.
Pour réussir dans une entreprise aussi risquée (le métrage ne manqua-t-il pas d'être interdit aux moins de dix-huit ans ?), Pascal Laugier a mis tout son talent dans une mise en scène complètement adaptée à chacun des segments différents du film, pour être tour à tour terrifiant en amenant des effets certes parfois assez faciles (le miroir) mais toujours impactants, avant de laisser une caméra naturaliste suivre une certaine partie du métrage rendue sordide au possible pour ensuite stabiliser l'image pour ainsi prouver la répétition des actes commis, montrant ainsi la maîtrise du réalisateur et l'aspect pensé de sa mise en scène qui n'hésitera pas non plus à coller de près à l'action violente pour nous mettre au cœur des violences. Mais bien entendu l'interprétation jouera un rôle prépondérant et là aussi les acteurs et surtout les deux actrices principales excelleront chacune dans des rôles différents et complémentaires pour donner vie à ces protagonistes unis pour le meilleur et ici surtout pour le pire.
Les effets spéciaux, œuvre du regretté Benoît Lestang, sont définitivement bluffants en étant d'un réalisme à toute épreuve aussi bien pour les passages sanglants que pour avancer un être terrible et extrêmement graphique.
Donc, ce "Martyrs" est une expérience à part dans la vie de tout amateur de films de genre, dont on ne sort pas indemne tout en ayant la véritable impression d'avoir assisté à un spectacle bouleversant, inouï et définitif, qui sera appelé à marquer durablement les esprits !
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